Sujet de droit et sujets de droit: de la pratique juridiquc au pluriel Daniel Sansfacon Cet article s ' adresse au droit. II y est question de discours juridique mais aussi de discours marxiste sur le droit. Par I'analyse d'un exemple conoret de discours juridique, I'auteur explore quelques problemes d'une theorie marxiste de droit, suggerant principalement une decentration du discours marxi3te , et propose une recherche ulterieure. Alternate Routes vol. 5 1982 68 This article deals with law and some problems in a Marxist theory of law. Although many Marxian theorists treat the law as being concerned with a uniform subject, the argument here is that law, as a complex practice , creates different subjects, not all of which may be equated with homo economicus , A topic for future research i3 proposed. L'analyse marxiste de l'univers jurdique se contente souvent de l'articuler a l'Etat conune forme necessaire de la domination de la forme marchande fetichisee et par la de la bourgeoisie. Inversement, les jurisprudences offrent un dis- cours idealiste, coupe de la materialite des pratiques sociales, qui presente le droit comme un ensemble de regies se develop- pant sur la base de relations evoluant vers la Raison. Le droit lui-meme par ailleurs rebute, par son langage formel, ses technical ites , sa complexite'. Pourtant, le juridique est de toutes les relations sociales. Pourtant aussi, l'imagerie juridique la plus vehiculee, et apparemment la plus simple, 1 ' idee de justice, est aussi, peut-etre, l'une des notions les plus complexes. Dans le droit, de facon indelebile, il y a d'abord le sujet de droit. Si l'on peut dire "Nulla crimen, nulla poene 69 sine lege", a plus forte raison peut-on dire sans sujet point de droit. Or cette question du sujet est elle-meme rien moins que fort complexe. Et si 1 'analyse marxiste du droit et de son sujet a certes permis des propres, elle n'en demeure pas moins gravement fautive. C'est du moins ce que pretend cette courte et bien partielle etude, ou il sera question non plus de sujet de droit mais bien des sujets du juridique. L'univers juridique Le juridique occupe une place particuliere dans la formation sociale capitaliste. II se place a la fois dans la societe, ou il regie les differends qui opposent les individus entre eux ou individus et institutions; mais il se situe aussi au-dessus d'elle en ce qu'il se veut le rempart de la legi- timite (e.g. la constitution) et la representation (ideale) d'un ordre ultime a atteindre. Qui plus est, le droit ne se limite pas a regler un champ donn§ d'activites mais s'etend a toutes les spheres de la vie sociale: depuis les relations economiques jusqu'aux formes politiques, en passant par le fonctionnement des institutions et appareils d'Etat jusqu'au comportement individuel. Le juridique ne constitute done certes pas un champ monolithique qui se pourrait aborder dans son ensemble d'un coup d'oeil global et general. Bien au contraire la sphere juridique ressemble a un molosse eclate. Pourtant, la systematisation et la technique juridiques, dans la forme du droit et de la loi, presentent un caractere unifie sous les principes d'equite, de justice et de "due process". Ainsi, il n'est pas rare d'entendre parler de faqon equivalente de droit et de justice, comme de deux cotes inseparables d'une Alternate Routes vol. 5 1982 70 meme piece. Les reglements de litiges ou les assurances ju- ridiques a la legitimite deviennent justice: que justice soit faite ! et le ce*lebre symbole de la balance juridique de re- apparai tre . II y a la une premiere confusion: celle du droit et de la loi, dont il sera question plus loin. Mais il faut ici souligner qu'entre la loi adoptee par le legislateur dans une enceinte democratique et la loi prononcee par le juge qui, dans 1 'enceinte de la cour, devient droit, se glissent, a prime abord, des differences. Une premiere se trouve dans l'acte lui-meme: l'elu du peuple qui accorde son appui I un texte le fait au nom, dit-il, de ses commettants . Le juge qui se pronon- ce sur un texte et l'evalue "a sa juste valeur" le fait au nom de la justice, dont un tiers l'a imparti. Une seconde tient i 1 ' impact et au contenu de la decision: l'elu accorde ou refuse son appui, c'est-a-dire qu'il se pose publiquement en faveur ou en defaveur d'un texte. Le juge qui tranche un litige ac- corde un droit et/ou refuse une pretention de droit ou de fait: il departit done des ODposants. Une troisieme difference apparente tient a la division des pouvoirs: l'elu appartient au corps l€gislatif et le juge au corps judiciaire, et si l'un et l'autre travaillent de concert a batir l'ordre social, ils n'en restent pas moins independants ; le premier travaille a ^laborer une politique de bien commun, le second al'appliquer I la transformer - en "common law" du moins - a 1 'experience de la realitg. Ces differences ne sont rien moins qu ' apparences - ce qui ne signifie pas que pour concretes qu'elles soient elles 71 n'aient une efficace propre dans la formation des pratiques sociales et individuelles . D'abord 1'acte. L'elu avons-nous dit le conjugue a 1 'opinion publique, le juge au texte du droit dans lequel se decouvre la justesse du legislateur, et la justice par extension. De deux actes d'abord differencies il ne reste qu'un, celui de l'expression sociale d'un pouvoir. II pourrait bien ne pas s'agir du meme Douvoir cependant puis- que , selon la seconde difference l'elu tranche pour exposer publiquement ses convictions, alors que le juge decide impar- tialement de la justice. Encore que justice et convictions ne soient pas si eloignees au sens ou les convictions du juge decideront du lieu ou se situe la justice. Mais surtout , il s'agit du meme exercice social du pouvoir en ce que l'un et 1 'autre produisent, via des moyens divergeants certes , une discrimination. Discrimination, nous dit la troisieme difference entre le bien commun et les inte'rSts specifiques pour le legislateur et entre justice et injustice pour le juge. Dans un cas comme dans 1' autre cependant, cette discrimination s'exerce a partir des representations faites devant l'autorite par les parties antagonistes defendant chacune leur conception de ce qui est et de ce qui doit etre. Voila justement ce qui unit davantage juge et legislateur que ce qui ne les separe: l'etre et le devoir-etre. Parce que munis chacun d'un mandat - sur l'origine duquel nous ne nous attarderons pas - , elu et juge decident de ce qui est et de ce qui doit etre. Et au nom de qui, sinon, en derni^re instance, du "sujet"? Car dans l'un et l'autre cas, c'est le meme sujet qui git au centre des preoccupations du legislateur et du juge. Ici, sujet politique Alternate Routes vol. 5 1982 72 et suiet de droit se confondent, indif ferencies et pourtant sollicites di f f gremment , qui au nom du bien commun, qui au nora de la iustice. En somme, le sujet est a la fois le sujet de 1 ' ir.teret general et des interets particul iers . Apparemment done , et apparemment de fagons distinctes, le legislateur et le judiciaire investissent le sujet. Mais quel suiet? Le politique dit l'un; le justiciable dit l'autre; et en derniere instance ils ne font qu'un. II y a la un discours commun. Discours qui curieusement est commun aussi a certains marxistes analysant le juridique. Ainsi, Pashukanis (1978), bien que cherchant une analyse de la forme juridique dans les relations objectives qui la fondent et qu'elle vient ensuite regler, constate-t- il que le forme juridique correspond en derniere analyse a la forme marchandise de l'Schange capitaliste. En d'autres termes , la forme marchandise fetichisee par la valeur acquise dans le processus d' exploitation du travail est transoosee dans le domaine juridique via le marche. Dans la forme iuridique, se revele le fetichisme du sujet porteur de droits qui est libre d'echanger et de s'echanger, a valeur egale, sur le marche. De meme , Miaille (1976) soutient un raison- nement similaire. Selon lui, seul le concept d'une personnalite' iuriiique pourvue de droits et libre de participer au marche' pouvait permettre la realisation globale du processus de production capitaliste: En effet, le suiet de droit est sujet de droits virtuels, tout a fait abstraits: anim6 par sa seule volont6, il a la possibility, la liberty ie s'obliger, notamment de vendre sa force de travail a un autre sujet de droit (Miaille, 19^6:132) . 73 Ainsi, la ou les relations de production capitalistes se de- veloppent, et la ou l'echange marchand est fetichise, il y aura necessairement creation d'un sujet de droit. En somme , la categorie de sujet de droit permet "la realisation des echanges marchands generalises" (Miaille, 1976:132). Bien que de maniere differente, et inspire plus parti- culierement des travaux d'Althusser, Edelman soutient aussi la centralite du sujet dans le discours juridique: L 1 ideologic juridique se denonce en dressant son acte de naissance. Et son acte de naissance, c'est la postulation que l'homme est naturelle- ment un sujet de droit, i.e. un proprietaire en puissance, puisqu'il est de son essence de s'approprier la nature (Edelman, 1973:17). C'est de la qu'Edelman developpe son essai sur le droit et la photographie . Dans ce processus ou, en un premier temps le droit nie le suj et photographe en niant son activite comme artistique pour la releguer au plan d'une technique, et ou en un second temps, le capital investissant le champ photo- graphique et cinematographique , le droit reconnait un sujet de droit qui cependant est le producteur, i.e. le capitaliste, et non plus le "createur" i.e. le photographe ou le realisateur - on reconnait ici les effets de denegation et de deplacement althusseriens - il faut voir, nous dit Edelman, le cycle du capital se refermer sur lui-meme. Ce a quoi on assiste ici, c'est done a une "sur-appropriation du reel", e'est-a-dire a 1 ' appropriation d'un reel "deja investi par la propriete" (1973:29-30). De dire Edelman, dans ce proces, "le Droit fixe et assure la realisation, comme donne naturel, de la sphere de la circulation" et simultanement "il rend possible la Alternate Routes vol. 5 1982 74 production" [1973:37). Le sujet de droit est done encore 1 ' incarnation privilegiee de son interpellation par le proces- sus de circulation, puisqu'il est constitue libre, volontaire, propr ietaire , en mesure de contracter, e'est-a-dire de se vendre comme objet sur le marche . Le problemat ique du sujet de droit n'appartient done pas qu'au juridique lui-meme. Bien sur, elle y est posee en des termes fort differents: en termes idealistes, theologiques ou "socioloqiques" " . Ainsi, le sujet juridique y est ici un sujet naturel, i.e. naturellement donne pour le droit soit par la volonte divine, soit par la nature des choses. Ou si le sujet est socialement cree, il sera dans l'ordre des choses qu'une juridicite vienne regler les interactions humaines. Que se soit dans la perspective marxiste ou autre, le sujet occupe done une position centrale dans le droit. Mais plus particul ierement pour la perspective marxiste, le sujet juri- dique se confond avec le sujet economique. On essentialise ainsi la forme juridique, e'est-a-dire qu'on lui donne une essence qui est celle de correspondre aux pratiques econo- miques, et encore plus, de les permettre meme. D'autre part, on reduit la forme juridique \ son expression fetichiste du sujet comme sujet libre et possedant une valeur (d'6change) egale. Comme le souligne Hirst (1979:111), ce genre d'analyse inverse en les repliquant les perspectives idealistes. De meme, ces approches presupposent une efficace au droit non seulement dans la creation du sujet juridique mais dans la regulation des pratiques economiques . Enfin, ces positions ont deux autres effets complementaires : elles fetichisent la forme juridique, 75 i.e. en font une superstructure ideologique qui en soi n'est qu'un "derive" des conditions in f rastructurales , mais para- doxalement, elles accordent au droit une legitimite qu'il se pretend, a savoir sa capacite de definir le sujet et ses comportements . Debusquer le discours juridique ne doit pas signifier le reduire a un discours exterieur ni lui faire dire - ou faire - ce qu'il ne dit ou ne fait pas. II ne s'agit pas davantage de chercher derriere le discours juridique comme si l'on cherchait a soulever un voile qui cacherait la "vraie" realite, bien que ce qui est derriere le juridique serve sans doute a le comprendre dans sa pratique. Nous en donnerons ici un exemple, a partir d'une realite juridique, celle du "nul n'est cense ignorer la loi", exemple qui ne se veut ni exhaustif de la question ni necessairement novateur, mais qui cherche plutot a introduire a une preoccupation plus vaste. La connaissance du juridique Le Code Criminel canadien' 3 dit expressement que "1 ' igno- rance de la loi chez une personne qui commet une infraction n'excuse pas la perpetration de cette infraction" f a-19) . C'est dire que tout individu est repute connaitre la loi. Mais c'est aussi signifier que la loi ne se preoccupe de cette con- naissance que chez 1 ' infracteur : chacun est un infracteur en puissance, mais la structure juridique institutionnelle n'a pas a s 'assurer de cette connaissance chez tous les individus, a priori, sans parler du fait bien connu qu'on n'enseigne pas la loi a l'ecole. Certaines regies viennent limiter 1 ' appl ication de ce principe general: l'age de juvenile par example - 1 'enfant Alternate Routes vol. 5 1982 76 de moins de sept ans ne peut "etre declare coupable a l'e'gard d'un acte ou d'une omission de sa Dart" (a-12); l'enfant entre sept et quatorze ans doit etre "en etat de comprendre la nature et les consequences de sa conduite et de juger qu ' i 1 agissait mal" (a-13) - , ou les cas d'alienation mentale (a-16) ou de deficience mentale (a-2) . Hormis ces restrictions, le principe de la connaissance du droit est assuietti a certaines con- traintes. On doit d'abord distinguer les formes de connais- sance et ensuite s'assurer de la possibilite materielle, pour 4 l'individu, de connaitre. 1. Les formes de connaissance La connaissance constitue bien sur un evenement factuel, mesurable. Ou bien l'individu connait, ou bien il ne connait pas. Cette dichotomie ne rend certes pas compte des niveaux de qualite" de la connaissance. Le droit ne demande pas a l'in- dividu de connaitre les subtilit^s, les interpretations de la loi. Pourtant , on le sait, ces memes subtilites ou interpre- tations peuvent decider de la culpabilite ou de 1' innocence. Le droit n'est-il pas d'ailleurs ainsi fait que le r£sultat d'un litige n'est jamais connu a 1 ' avance ? Quoiqu'il en soit, le droit n'exige du sujet que l'effort diligent qu'il est en mesure de faire, pour connaitre les lois que le Parlement adopte. A l'aide d'une situation quelque peu diff€rente, on peut decouvrir les formes de connaissance que souleve le tribunal. Le Code Criminel prevoit a l'article 21, qu'"est partie a une infraction quiconque... b) accomplit ou omet d'accomplir quelque chose en vue d'aider quelqu'un a la commettre" (nous 77 soulignons - D.S.). Cet article peut etre invoque pour signi- fier que l'accuse aurait du, avait les moyens de connaitre la loi, et que son ignorance a permis la commission d'une infrac- tion. R. v Woolworth souleve ce point. Sans entrer dans les details de l'affaire, precisons qu'une infraction a ete com- mise par deux individus qui avaient conclu une entente avec un magasin Woolworth de Toronto, pour vendre, dans le magasin, des stylos a bille, moyennant une ristourne de trente pour cent a la compagnie. Condamnee en premiere instance sous pre- texte, entre autres, que la compagnie "aurait du savoir" ce qui se passait dans son magasin, le tribunal d'appel rejette les motifs, recoit l'appel et casse le jugement. II stipule dans son jugement que l'on doit distinguer entre une connais- sance de fait qu'une infraction est commise, une connaissance irresDonsable ou, malgre sa connaissance, le sujet ne s'assure pas de ses fondements ni n'informe d'autres autorites compe- tentes de cette connaissance, et finalement une connaissance constructive, ou l'individu ne savait pas mais avait la possi- bility, sinon le devoir, de connaitre. Si les deux premieres formes relevent immediatement de la norme juridique, la troisieme, la "connaissance constructive" ne constitue tout simplement pas un cas de droit ( R. v Woolworth, loc . cit.: 30) . C'est cette seule forme de connaissance qu'aurait pu avoir Woolworth des delits commis sur sa propriete et le tri- bunal affirme ne pouvoir en tenir compte. Dans le cas de la connaissance de la loi, seules les deux premieres formes existent. La connaissance de fait est une connaissance postulee chez tous les individus, sous respect Alternate Routes vol. 5 1982 78 des contraintes d'ordre legal. Ouant 1 la connaissance irres- ponsable, on parlera ici d'un sujet qui, croyant qu'existe une loi, commet un acte, sans s'etre assure qu'existe cette loi, et l'enfreint ainsi. Z. La connaissance rip la lni Le cas de R. v Catholique (1980) expl ique 1 ' element materiel de la connaissance et renferme aussi la question de la connaissance constructive. Ici, un individu est condamne a la peine maximale (six semaines d' emprisonnement) , pour avoir enfreint un reolement local - le ''Snowdrift Liquor Prohibition Regulations Act" - concernant la nossession de boissons al- coolisees sur le territoire de Snowdrift aux Territoires du N'ord Ouest .Pendant son emprisonnement , 1' individu rencontre un avocat oui lui suggere d'en apneler de la sentence. La cour d'aupel constate alors que cette legislation n'a pas ete pro- premer.t oubliee par le Conseil leqislatif, et qu'il est, des lors, inacceptable en droit, "qu 'une personne soit condamnee, punie, et Derde sa liberte personnelle par une sentence d'em- prisonnement , pour avoir enfreint un reglement dont elle Q n'avait ni connaissance ni avis a ce moment." II appert clairement ici qu'un individu doit faire des efforts nomaux Dour connaltre la loi, - la connaissance du droit, a contrario de celie d'une infraction, est done necessairement construc- tive - mai? jue ceci implique aussi que le legislateur s'assure que les lois sont publiees correctement et qu'une p£riode temps est accordee aux individus pour prendre connaissance de la loi .ivant qu'elle ne prenne effet. Nous avons done la totality du principe: Ignorantia 79 facti excusat, Ignorantia juris non excusat. D'une part, le sujet ne peut construire sa connaissance de la loi que si les circonstances le lui permettent. Le legislateur doit fournir au sujet la possibilite de prendre connaissance des lois: par une publication dans une Gazette officielle par exemple. Ce qui nous met ici en presence du sujet-Etat, qui devient sujet- de-droit. De plus, le suj et-individu beneficie d'une autre possibilite: s'il a fait effort diligent pour connaitre la loi, peut-on lui tenir rigueur d'une infraction commise, autrement dit, y a-t-il infraction? R. v Maclean (1974) repond par la negative. Dans ce cas en effet, la cour maintient que l'indivi- du, ayant demontre sa bonne volonte, ayant tente de construire, par les canaux usuels, sa connaissance de la loi, ne peut etre accuse d'une infraction puisque depourvu de mens rea, d'inten- 9 V V tion coupable. Cette autre exception a la regie generale ne peut etre invoquee constamment sous peine de rendre inoperant le droit, ni ne peut etre invoquee en toutes circonstances; certaines infractions ou une responsabilite generale suffit a demontrer la culpabilite ne pretent pas a une telle excuse. Cette autre exception souleve ici le probleme de 1' inter- pretation du droittc'est par le travail interpretatif des juges que la loi devient droit, i.e. que les intentions du legisla- teur sont accordees aux conditions concretes de la volonte collective. Autrement dit, les individus, meme connaissant une loi, peuvent commettre une infraction qui n'en sera finalement une qu ' a la loi et non au droit, en raison d'une part de leur volonte de connaitre la loi et d'autre part de 1 ' interpretation du droit. Ce qui aioute force au precepte imperieux pour le Alternate Routes vol. 5 1982 le-islateur de divulguer ses prescriptions, C'est done dire que l'acte legislatif, s'il definit les bornes de l'interet general, ne peut , en droit commun, specifier toutes les regies et toutes les applications de ces regies qu'il adopte. Le travail de la cour pourvoiera justement & ces lacunes - qui n'en sont pas. Et c'est dans ce travail juridique que la loi devient droit. C'est aussi dans ce travail que le sujet poli- tique devient sujet de droit, pour utiliser le langage theo- rioue deja mentionne. Nous verrons , 4 nartir d'un extrait d'un discours juri- dique, que la coherence interne de ces raisonnements logiques n'est pas de toute rigueur, que le discours apparemment evi- dent contient sa propre opacite, et surtout que le sujet de droit n'est plus un mais multiple. Les sujets du juridique Le juridique parle. II se parle k lui-meme d'abord: il definit, dans sa pratique, les conditions de sa reproduc- tion. II parle aux sujets: a l'Etat qu'il interpelle comme son fondateur, lui rappelant aussi les bornes a respecter; aux suiets qu'il pretend souverains et qu'il limite. II parle en- fin d'un sujet: celui de l'ordre a maintenir comme ordre pu- blique indispensable. Mais ces locuteurs ne sont pas iden- tiques. Pas davantage d'ailleurs que les sujets (matieres) de 12 leurs discours. Ainsi cet extrait de R. v Maclean: It is true that on occasion the word legis has been substituted for juris and the maxim (Igno- rantia... - D.S.) does apply to that kind of law, but only when the lex, i.e. the positive command of the Prince or Legislature, has entered into the realm of jus, i.e., the realm of legal right 81 and obligation generally. This distinction... has become obscured in common law countries by the lack of appropriate legal terminology and the consequent use of "law" for the entire field. Lex becomes part of jus by promulgation and assi- milation. For if an enactment is notably at odds with general notions of justice it usually suffers considerable attrition in judicial and other leeal interpretations until its rough edges have been smoothed down enough to fit into the general plan. The point of noting this however is that it again accentuates the need in justice to give publicity to an enactment ... if the subject is to be required to conform himself to it. Un discours demembre Les acteurs sont campes , ici, comme membres d'un seul et meme processus: d'une part les elements abstraits, lex et jus, la loi et le droit, d'autre part les sujets qui sont determines et determinants de ces elements, a savoir l'Etat, le tribunal, l'individu. La loi, lex, c'est la volonte du Prince, son acti- vity legislative democratique en tant qu'elu par le peuple; la loi devrait done exprimer la volonte du peuple. Le droit, jus, c'est la justice faite, c'est l'activite juridique rendue conforme a la volonte du peuple, ce "plan general" ou s'exer- cent les grandes idees d'egalite, de liberte. D'une certaine fa<;on, le discours pose ici le probleme de l'etre et du devoir- etre. Peut-on dire que "lex" est l'etre, le fait, et que "jus" est le devoir-etre? Une reponse affirmative est tentante puis- qu'en effet, la loi demeure un outil imparfait en face du devoir-etre, la valeur ,realise"e dans le droit. Mais le devoir- etre realise dans le droit devient fait, et le tribunal nous dit justement que l'activite du juge consiste a effectuer ce passage. De plus, ce devoir-etre, le jus, correspond-il vraiment a la volonte collective, aux valeurs des individus qui forment Alternate Routes vol. 5 1982 82 une society donnee, regie par un corps juridique donne? De meme, une volonte collective est-elle possible; de quoi s'agit- il? Enfin, le juridique, de par sa nature ici decrite, d'etre- en-devenir, peut-il jamais etre donne? Ces questions, le ju- ridique ne les pose pas. Et ces questions ne s'imposent pas, sinon justement, par leur absence. Les acteurs que sont le Prince, le tribunal et le sujet, le discours les isole. D'un cote, le politique qui decide pour les sujets. De 1 'autre les sujets qui sont agis dans le droit- jus. Au centre le juge, qui mediatise les deux poles, muni d'une sorte de super-conscience, capable de comprendre le message de Prince et de connaitre la volonte du peuple que d'ailleurs le pouvoir voulait exprimer, bien que parfois gau- chement si l'on peut dire. La boucle apparait: le sujet col- lectif, expression de la valeur, porte au pouvoir un politique qui emet des regies, transformees par le juridique pour que le sujet "s'y con forme'. Premiere question: Le suj.et qui elit le politique est-il le meme que celui qui doit se conformer? Autrement dit, notre sujet politique egale-t-il sujet de droit? Bien que d ' importance , cette question sera laissee sans re- ponse ici. Seconde question: ce passage de la loi au droit n ' exprime-t-il qu'un probleme terminologique comme le pretend le tribunal? Nous suggererons quelques responses. 1. Contradictions et repression Premiere possibility, le probleme ne releve que d'une question terminologique , dans le corps juridique lui-meme. Mais pourquoi cette confusion, deja au moins bi-centenaire devrait-elle persister? Le juge n'aurait-il pu suggerer, dans 83 le meme effort, une solution a cette navrante situation? Les linguistes competents en langue anglaise feraient-ils defaut? Fut-elle aussi technique et concise, cette langue doit tout de meme permettre de resoudre de telles embuches. S'il s'agit d'un probleme terminologique , nous pouvons sup- poser qu'il est entretenu par le droit lui-meme qui ne fait pas d'effort diligent afin de le solutionner. Mais encore fau- drait-il savoir pourquoi cette confusion particuliere et pas une autre est entretenue. Si le droit, comme le Dretend la theorie de la division des pouvois, est en relation d'inde- pendance et de collaboration tout a la fois avec le legislatif, il se trouve peut-etre la une explication. Nous avons deja entame cette question. II s'agit de tenter ici d'aller un peu plus loin. Nous avons vu plus haut que, dans les differences apparentes entre le travail legislatif et le travail judiciaire se trouvent des similitudes certaines. Mais il y a plus encore: il y a peut-etre le fait, comme le pretend Miaille (1978: 70-87; 105-124) que le systeme juridique s'est eleve, dans l'Etat, a l'epoque de l'extinction du feodal isme ,en accord avec la transformation du fief en bien economique, permettant ainsi "la privatisation de toute la vie sociale - ' de sorte que "les rois purent, par la suite, donner 1' image d'un interet "public"" fl 978: 60-61) . De sorte encore que l'Etat liberal a pu se spe- cifier "sur une double separation: separation entre la societe civile et l'Etat...; separation des pouvoirs dans l'Etat..." (1978:87), qui ne constituent que les "figures" de l'autonomie de l'Etat. Figures recouvrant done en fait la nature de classes de l'Etat et la cachant sous le voile juridique. Ainsi, le droit Alternate Routes vol. 5 1982 84 et la loi seraient deux figures d'une seule realite: "law". Mais alors, comment se fait-il que le droit anglais n'ait pas exige cette meme distinction et n'ait pas cree sa propre figure de style? S'agit-il des conditions historiques sur les- quelles s'est eleve l'Etat anglais? II appert pour sur que le droit de la common law et que le droit continental existent bien ... et non pas comme simples figures de style. Faudrait- il supposer des lors que ce sont des differences propres aux systemes iuridiques d'abord, systemes qui eux originent de conditions materielles particuli&res , qui expliquent ici l'ab- sence et la la presence? Nous sommes enclins a penser qu'avant de chercher du cote des fonctions de ce manque et de sa rela- tion avec d'autres pratiques, il y aurait lieu de chercher d'abord a le saisir dans le juridique lui-meme. Seconde possibility, le probleme n'est pas terminolo- gique. Ou bien l'habitude est tellement bien ancree, qu'on a renonce, dans la profession, a combler cette lacune. La en- core, on ne repondrait qu 1 imparfaitement a la question puisque ce qui est ici en jeu c'est bien la raison de cette habitude. Ou bien alors c'est que de lacune il n'y a que dans les subti- lites juridiques, c'est-a-dire que lorsque le droit est con- fronts a lui-meme. Et de fait nous assistons bien, dans ce cas-ci, a une reflexion du droit sur lui-meme: place dans une situation ou il y a erreur dans la loi, le tribunal doit eviter une erreur de droit. L'erreur de loi, c'est celle du politique, qui, par son pouvoir impositif, pour assurer la dissuasion et la conforrute, instaure a la fois une responsabi 1 i t€ legale universelle: la connaissance de la loi, et une defense contre 85 cette responsabilite , au nora de la volonte lihre. L'erreur de droit serait done de condamner un individu qui ne pouvait savoir - comme dans la cause R. v Catholique - ou qui croyai t savoir - comme dans la cause R. v Maclean - bafouant alors les idees generales du citoyen quant a la justice. Le juriste se doit done de creer une difference, pour fins de resoudre une contradiction temporaire. D ' ou une troisieme possibility deja suggeree: il n'y a pas, comme le pretend le juge, confusion juridique ou ter- minologique. A contrario, il y a la une situation qui est caracteristique au droit commun, e'est-a-dire une situation qui correspond au developpement historique de la pratique juridique britannique. Et avec cette pratique juridique, en elle et derriere elle, une evolution historique particuliere qui ne se resume pas a une determination en derniere instance ou autrement, mais qui possede sa propre signification. Et si l'on accepte 1 'argument presente plus tot sur le role du juge comme mediateur entre le sujet-Etat et le suj et-individu, ce qu'on constate ici e'est bien plus une repression par le juge de son role mediateur, ou par une inversion, le juge desoriente ce role. En effet, le juge remet le fardeau au le- gislateur, son collaborateur gemellaire, de faire en sorte que le sujet-individu reconnaisse le sujet-Etat et se reconnais- se ensuite dans le Droit (Law) comme suj et-de-droit . Un discours decentre Ce que le juge signifie ici, explicitement , e'est son inquietude comme mediateur, devant les incongruences des deux protagonistes que sont l'Etat et 1' individu. Ce qu'il ne sig- Alternate Routes vol. 5 1982 86 ni f ie Das clairement, c'est la nature de ce role de mediateur. Dans le premier cas , il propose un moyen de sortir de 1 ' im- passe, et cree la division loi-droit. Dans le second cas, il s'instaure comme centre du processus juridique, mediateur neutre, parfait interpr^te de deux ensembles de volontes. L'un ne peut aller sans l'autre. Le juge ne peut se don- ner comme medium sans l'existence de deux poles qu'il relie. II ne Deut se donner comme exercant ce passage de la loi au droit, que comme medium neutre, sujet central. C'est done a soi-meme que s'adresse le juridique. Puis- qu'en effet, en s'adressant au lecislateur, comme a son double, le juriste s'adresse en ^ait au juridique comme ne pouvant en fa\t se contenir tout entier. Car de meme que le droit n'est pas dans la loi mais est obtenu par un processus de transfor- mation (et de denlacement?) que le juge appelle promulgation et assimilation, de meme, le juridique ne peut contenir tous les suiets de droit. Le juridique s'adresse ainsi aux sujets- de-droit qui sont pourvus en droit d 'obi igat ions et de droits, et de ce fait, il les cree. Mais il les cree de facon impar- faite et provisoire. Imnarfaite tant que lex ne devient pas ius; provisoire tant que lex n'est pas connue, ou changee par le legislateur. Ainsi done, cette categorie de sujet de droit que visent aussi bien le juriste que certains marxistes n'est- elle pas fixe ni stable ni uniaue mais au contraire mouvante, chanqeante et multinle. Celui qu'on nomme theor iauement - ou i ur idiquement - sujet de droit apparait rlutot multiple qu'uni- iue. La boucle nui origine du sujet collectif - sujet de droit pour se refermer sur lui , pose, dans sa circularite meme, des 87 sujets qui ne sont pas necessairement sujets-de-droit . Le sujet politique, on l'a deja mentionne, n'egale pas de facto le sujet de droit. L'Etat on le sait, peut etre hors le droit, il peut meme etre contre le droit. Mais il demeure sujet de droit au moins dans certaines de ses func- tions. Le juridique d'autre Dart, se parle avons-nous dit. En ce sens, il se cree lui-meme comme sujet de ses propres transformations. Et le sujet economique pourrait aussi etre mentionne. En somme, d'une sujet unique il faut bien plutot passer a une multiplicity de sujets dans le droit. Ce qui par ailleurs, ne signi^ie pas que la categorie sujet de droit soit eclatee a tel point qu'elle ne permette plus de comprendre le fonctionnement du droit. II semble au contraire que c'est bien a un processus de creation de sujets de droit que s 'af- faire, entre autres, le droit, et en ce sens, 1 'analyse de la pratique juridique implique un recours a cette categorie. II faut cependant se garder de reduire cette categorie a une expression simpliste. Conclusion: L'analyse de la pratique juridique La question de jus et lex, et devoir-etre et etre, sou- leve done avec acuite la nature sociale du droit, sa mate- riality comme corps normatif formel, et son ideologie comme ensemble deja oriente, dans une certaine mesure, par une pra- tique discursive de classe, au sens ou se laisse percevoir le droit, e'est-a-dire comme relation sociale sp€cifique, inscrite dans une formation sociale historique, celle de la societe bourgeoise, et non pas comme simple reflet de la volon- te bourgeoise. Alternate Routes vol. S 1982 88 A travers la categorie sujet de droit, c'est non settle- ment toute une pratique mais aussi toute une pratique theo- rique qui sont en cause. II ne s'agit plus ici, de concevoir le juridique a travers les categories qu'il presente pour le demasquer comme une absence ou un reflet, fut-il speculaire. Le juridique peut bien etre une persona (au sens grec du terme) , tout comme il instaure une "personne" juridique. Mais c'est justement a travers cette personnalite qu'il faut le decouvrir et 1 ' analyser . De plus, le juridique se presente dans l'Etat et dans une formation sociale donnee. Mais les liens qui l'unissent a ces autres pratiques ne peuvent etre reduits a des determi- nismes formels. Le juridique a une histoire plus lonpue que l'Etat et que le caDitalisme , faut-il le rappeler. Faut-il souligner aussi que le juridique n'est pas soumis aux memes crises que l'Etat ou que le mode de production economique. Oue le juridique puisse servir certaines fonctions et, comme 18 le suggerent par exemple les auteurs d'un recent ouvrage , oarticiper dans l'Etat a assurer la domination hegemonique, et en temps de crise, a s'affirmer comme le rempart de l'ordre etabli, ne saurait resumer tout le juridique. Ne serait-ce ^ue parce que le juridique vehicule une pratique ideologique rart icul ierement vivace, ramifiee et £scterique, il ne se resume pas, selon nous, a quelques liens mecaniques ou ex- pressifs . Ce sont la du moins quelques principes generaux a par- tir Jesquels nous travaillons presentement a une recherche jur la privaute au Canada. La Loi sur la vie privge au Canada 89 - Loi C-l 7 6 adoptee en 1974 par le parlement canadien - se situe justement au carrefour d'une pratique juridique appa- remment centree sur le sujet de droit puisque son objectif est, of f iciellement , de delimiter les zones publiques et les zones privees via les pratiques policieres. L'analyse de cette loi tentera de deboucher non seulement sur une comprehension historique de la pratique juridique mais aussi sur une vision theorique plus globale de 1 ' articulation du juridique dans 1 'Etat . NOTES 1. C'est aussi ce que soutient par example, Vincent (1973: 40-41) : La societe syllanagmatique , c'est-a-dire fond6e sur la reciprocity des obligations, apparalt en realite comme une societe* de la division et de la domination dans laquelle 1 ' independance personnelle est construite sur la dependance materielle ... Le droit trouve par consequent sa validite dans la f&rantie et l a defense de la separation ... au sein de la socialisation..., d'oii son caractere d'obligation opposable a tous . En ce sens il ne se confond pas immediate- ment avec les interets des classes domi- nantes tout en traduisant les valeurs pro- fondes qui les inspirent. Indispensable aux rapports sociaux capitalistes , il en est inseparable. Sur le formalisme juridique inspire de Pashukanis, voir aussi Hirsch,1978: Blanke e_t al_,1978; Kinsey, 1979; et Jessop,1980. 2. On nourrait citer ici presque toute la jurisprudence. Contentons-nous , pour la perspective idealiste, de renvoyer 4 Villey (1968; 1969), pour la perspective theologique, qui est une section de la precedente, a Schwarz-Lieberman (1978) et nour la perspective ''sociologique ', a Poun-' (1942; 1959) et a Podgorecki (1974). On en trouvera une excellente critique dans Poulantzas (1965) et dans Miaille (1976). 3. Code Criminel, S.R.C.,1970, chap. C-34, et Lois con- nexes par L. Saintonge-Poitevin. Montreal: Wilson et Lafleur, 1978. 90 4. II s'agit en somme des deux aspects d'une definition de la connaissance . L'aspect formel, abstrait, corres- pond aux elements conceptuels de la connaissance: l'acte de volonte, la curiosite aussi de l'individu, entrent ici en jeu. Dans l'aspect concret-materiel , ce ne sont plus les capacites volitives ou intellectuelles de l'individu que le droit evalue, mais la mater ialite des documents legaux disponibles. Dans le premier cas on demandera: le sujet veut-il connaitre? Et dans le second cas, le sujet peut-il connaitre? 5. Cf. Long v State (Delaware) (1949), cite dans R. v Maclean, 104 (1974) . 6. R. v F.W.Woolworth Co. Ltd. (1974) 24 Cf. aussi Roper v Taylor's Central Garage (Exeter) Ltd. (1951) et R. v Kester (1980) entre autres. 8. R. v Catholique, loc. cit , : 69, nous traduisons. cf. Lim Chin Aik v Queen (1963) , ou le juge note que la connaissance concrete d'une regie est un element es- sentiel de 1' intention criminelle, du princip de "mens rea". Voir aussi R. v Michelin Tires Manufac- turing (Canada) Ltd., (1976), et R. v Dry bones (1970). 9. Voir aussi R. v De Marco (1973), ou le iuge reintroduit la notion "d ' apparence de droit", qui signifie que la ou un individu a agi honnetement en se croyant dans le bon droit, ou Ik ou l'individu croit honnetement que les faits sont legaux, il ne peut etre tenu responsable, meme si, en droit, il a illegalement agi. Voir aussi R. v Howson (1966). 10. Cf. R. v Villeneuve (1968). Voir aussi Long v State (Delaware) in R. v Maclean, loc . cit . : 105: "The reasons for disallowing it are practical considerations dic- tated by deterrent effects upon the administration and enforcement of the criminal law. which are deemed likely to result if it were allowed as a general defence 11. Cf. Miaille, op . cit . 127-158. Voir aussi Sala-Molins L. 197-7 : 101-126 et 131-146. 12. R, v Maclean, loc . cit . : 104; nous laissons en langue anglaise cette citation puisque, telle quelle, elle est au coeur de ce qui suit. 15. Le terme "Law" en effet est herite du droit brit annique 14. On constatera ici 1 ' importance que prendrait une analyse du sujet qui elit et du sujet qui se conforme. 13. Voir entre autres Poulantzas, 1978. II ne s'agit pas ici que des Etats "spe'ciaux" ou "anormaux" mais bien de situations part iculieresdans l'Etat "normal". 91 16. Nous renvoyons le lecteur a la these de Poulantzas (1965), pour un expose detaille de cette question. 17. Dujardin P., J. Michel (1978), qui deplorent en premier lieu la trop longue periode "stal inienne" de 1 'economisme , "cette conception lineaire et unilate- ral du developpement historique concu comme entie- rement determine par un schema economique" (15) et qui "aboutit... a une non-analyse "( 15) du droit entre autres. Cependant, il n'en reste pas moins que "la transformation du rapport economique en rap- port juridique, done 1 ' occultat ion du premier sous le second, sont permises par 1 ' idee d'autonomie du suiet de droit et renvoient encore une fois aux categories politiques bourgeoises fondamentales" (22), de sorte "qu'il n'y a plus de place que pour une an- thropologic economique ou le droit trouve la position qui est la sienne" (23) et que finalement "rapporter le droit a la circulation permettrait d'eclairer l'un par 1' autre" (27) en tant qu'ils sont tous deux "entre- metteurs" entre le capital - realisation de la valeur - et le travailleur - moyen de cette realisation - (cf. 24-26). C'est, dans le cas du droit, poursuivent-ils , le passage incessant du suj et-de-droit a 1 'objet-de-droit du proprietaire (potentiel) a la propriete de soi-meme. Ainsi 1' ideologic n'est pas "mensonge sur-ajoute au reel, mais mensonge de la realite elle-meme" (28) . Et s'il faut aller plus loin, c'est a la reproduction qu'on s'adressera. En some, malgre une pretention d'eviter un me- canicisme(economiste) , les auteurs retrouvent une vieille "verite" essentialiste , celle de la "realite" sur l'ideologie, dans laquelle ils donnent a pleines pages. S'il est autorise, par la "nature des choses" (Poulant- zas, op „ cit.) de parler de droit bourgeois, qu'on ne lui enleve pas sa logique, sa "verite" interne. 18. Hall et al 1978: chap. 2 et 7 particulierement . 92 BIBLIOGRAPHIE Blanke.B., J. Jurgens , H. Kastendiek 1978 "On the Current Marxist Discussion on the Analysis of Form and Function of the Bour- geois State." State and Capital , Holloway J., and S. Picciotto, eds . London: Arnold. Code Criminel 1978 S.R.C., 1970, chap. C-34, et Lois Connexes par L. Saintonge-Poitevin. Montreal: Wilson et La^leur. Dujardin.P., J. Michel 1978 "Marx et la Question du Droit : Raisons d'une Approche et d'un Detour. 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