IHTP, 2(3), SI: 27-47, 2022 CC BY-NC-ND 4.0 ISSN 2563-9269 27 Agir pour la santé de la planète en intégrant une démarche écoresponsable dans les cabinets : une expérimentation française en cabinet dentaire/ Acting for planetary health by integrating an eco- responsible approach in practices : A french experiment in dental practice SPECIAL ISSUE: PLANETARY HEALTH Alice Baras1 1Ecops Conseil, Lille, France Corresponding author: A. Baras (alice.baras@ecops-conseil.fr) RESUME Introduction : Les activités humaines modernes entraînent des changements fondamentaux dans la biosphère et perturbent de nombreux systèmes naturels de la planète. Le dérèglement climatique, la pollution de tous les milieux - air, eau, sols -, le taux d’effondrement de la biodiversité ou encore les changements majeurs dans l'utilisation des terres menacent les conditions de santé et de bien-être humain et du vivant. Face à cette urgence écologique et sanitaire, les professionnels de santé ont un rôle prépondérant à jouer pour être promoteur de la santé planétaire. Intégrer une démarche écoresponsable au cœur de leurs pratiques est l’opportunité d’être acteur et ambassadeur de la transformation écologique aujourd’hui nécessaire. Celle-ci doit être réalisée tout en continuant à assurer la qualité et la sécurité des soins. Pour cela, il semble indispensable de créer et développer un outil intégré de qualité sécurité environnement qui réponde aux recommandations professionnelles et n’entrave en aucune manière la réalisation des soins et l’accueil des patients. C’est l’objectif de l’expérimentation pionnière qui a été menée auprès de praticiens français. Méthodes : Menée au sein de 8 cabinets dentaires volontaires en France de septembre 2019 à juillet 2020, l’action vise à accompagner les praticiens, et leur équipe éventuelle, à l’aide de plusieurs outils et ressources à intégrer une démarche écoresponsable en cabinet dentaire selon une approche systémique. Résultats : Le projet « Prévention Environnement Patients Soignants » a permis d’éprouver l’intégration d’un programme d’accompagnement à l’intégration de l’écoresponsabilité en santé avec pour moteur le bénéfice sanitaire, social, environnemental et économique d'une évolution des pratiques et d’observer les freins et leviers à son développement à plus grande échelle. Conclusion : Mener ce projet a permis aux praticiens accompagnés d’avancer dans la démarche de santé globale aujourd’hui nécessaire. Il appelle à un développement et à un soutien élargi de l’ensemble des parties prenantes du secteur médical. Des études pour évaluer quantitativement les avantages écologiques, sociaux, sanitaires et économiques d’une telle démarche sont nécessaires. ABSTRACT Introduction: Modern human activities are causing fundamental changes in the biosphere and disrupting many of the world's natural systems. Climate disruption, pollution of all environments - air, water, soil -, the rate of collapse of biodiversity or major changes in land use threaten the conditions of human and living health and well-being. Faced IHTP, 2(3), SI: 27-47, 2022 CC BY-NC-ND 4.0 ISSN 2563-9269 28 with this ecological and health emergency, health professionals have a major role to play in promoting global health. Integrating an eco-responsible approach into the heart of their practices is an opportunity to be an actor and ambassador of the ecological transformation that is needed today. This transformation must be achieved while continuing to ensure the quality and safety of care. To do this, it seems essential to create and develop an integrated quality-safety-environment tool that meets professional recommendations and in no way hinders the delivery of care and the reception of patients. This is the objective of the pioneering experiment conducted with French practitioners. Methods: Conducted in 8 voluntary dental practices in France from September 2019 to July 2020, the action aims to support practitioners, and their eventual team, with the help of several tools and resources to integrate an eco-responsible approach in dental practice through a systemic approach. Results: The « Prevention Environment Patients Caregivers » project made it possible to test the integration of a support program for the integration of eco-responsibility in health care, with the health, social, environmental, and economic benefits of an evolution in practices and to observe the obstacles and levers for its development on a larger scale. Conclusion: Carrying out this project has enabled the practitioners accompanied to move forward in the global health approach that is necessary today. It calls for further development and support from stakeholders in the medical sector. Studies to quantitatively evaluate the ecological, economic, social and health benefits of such an approach are needed. KEYWORDS Cabinet dentaire; Co-bénéfices; Ecoresponsabilité; Expérimentation; Santé Planétaire FUNDING SOURCE Le projet a été soutenu financièrement par l’Union Régionale des Chirurgiens-Dentistes Libéraux de Bretagne (URPS CDLB) au sein de la région de Bretagne en France et réalisé par un chirurgien-dentiste spécialisé dans la formation et l’accompagnement à l’intégration de la démarche écoresponsable en cabinet de santé et la promotion de la santé durable. INTRODUCTION Les activités humaines modernes entraînent des changements fondamentaux dans la biosphère et perturbent de nombreux systèmes naturels de la planète. Le dérèglement climatique, la pollution de tous les milieux - air, eau, sols -, le taux d’effondrement de la biodiversité ou encore les changements majeurs dans l'utilisation des terres menacent les conditions de santé et de bien-être humain et du vivant (Whitmee et al., 2015). La première publication du rapport Meadows « Les limites de la croissance » (Meadows et al., 1972) puis le « Rapport Brundtland » (Bruntland, 1987) ont sonné le tocsin depuis plusieurs décennies. Ces changements environnementaux sont globaux et brutaux. La grande accélération qui signe l’ère de l’Anthropocène a débuté relativement récemment, rapportée à l’échelle de développement de l’humanité, avec l’avènement de l’ère industrielle et du consumérisme. Cette rapidité et l’ampleur des bouleversements environnementaux engendrés ont des conséquences directes et indirectes sur la santé humaine. Elles entrainent l’augmentation significative de la prévalence des maladies non transmissibles et participent à l’émergence de nouvelles maladies infectieuses, elles induisent des difficultés d’accès à l’eau potable et les problèmes de malnutrition, des migrations et des conflits socio- économiques, ainsi que des effets négatifs sur la santé mentale. Face à cette urgence écologique et sanitaire, les modes de vie et de consommation extractivistes et linéaires doivent évoluer, et ce rapidement, vers un modèle de sobriété respectueux des limites ou frontières planétaires et des biocapacités de la terre à produire des ressources et à absorber les pollutions rejetées par les activités humaines (Folke et al., 2021). La préservation des écosystèmes est une urgence sanitaire et sociale. Aujourd’hui les professionnels et acteurs de santé se retrouvent face à un double enjeu. D’une part, ils doivent apporter une réponse adaptée aux impacts direct et indirect des changements environnementaux globaux sur la santé. D’autre part, ils doivent eux-mêmes participer aux mesures IHTP, 2(3), SI: 27-47, 2022 CC BY-NC-ND 4.0 ISSN 2563-9269 29 d’atténuation des bouleversements écosystémiques en évaluant leur propre impact écologique et en intégrant des pratiques durables au cœur de leurs activités professionnelles. En effet, les activités de santé représentent elle-même une part non négligeable dans les impacts environnementaux. Les soins de santé contribuent significativement à l'épuisement des ressources naturelles et aux différentes pollutions. En considérant le seul poste des émissions de gaz à effet de serre (GES), responsables du dérèglement climatique, selon le récent rapport produit par le réseau européen Health care without harm (HCWH, 2019), le secteur de la santé a émis à lui seul 2 Gt de CO2eq en 2014 et serait donc responsable de 4,4 % des émissions nettes mondiales annuelles. S’il était un pays, ce secteur économique serait le cinquième émetteur de GES de la planète. Son empreinte reflète généralement le comportement national des émissions. Ainsi, l’Union européenne, en tant que bloc, est le troisième contributeur aux émissions mondiales de GES des soins de santé, après les États-Unis et la Chine. L’empreinte carbone du système de soins américain est estimé à près de 10 %. Pour la France, il est de l’ordre de 7 à 8 %. Pour l’Australie, son empreinte représente 7 % des émissions mondiales du pays. Pour la Grande Bretagne, le National Health Service (NHS) les a estimées à 4 %, tandis qu’au Canada, sa part est de 4,6 % (The Shift Project, 2021 ; Malik et al., 2018 ; NHS, 2020 ; Eckelman et al., 2018). À ces émissions de GES, s’ajoute l’empreinte écologique globale représentée par la consommation des ressources et les rejets de polluants via l’usage des dispositifs médicaux et médicaments et des biens non spécifiques aux activités de santé, le développement de l’usage unique et la surconsommation d’équipements de protection individuelle par exemple. Ce double enjeu nécessite une réponse adaptée et holistique. L’atténuation et l’adaptation sont les leviers de la résilience du système de santé qu’il soit considéré à l’échelle locale ou globale. Cette double stratégie est une opportunité d’innover autrement pour un système de santé qui tend à être de plus en plus technologisé et hypermondialisé et qui montre aujourd’hui ses limites, notamment dans la récurrence des ruptures des chaines d’approvisionnement de certains médicaments et dispositifs médicaux pour les pays qui ne maîtrisent pas cette chaîne. Le chirurgien-dentiste, en tant que professionnel de santé, mais aussi, de par la spécificité de son activité, génératrice de déchets potentiellement toxiques et dépendante de l’usage courant de produits chimiques nécessaires aux activités de soin et d’entretien et désinfection, se doit d’être exemplaire en s’efforçant de limiter l’impact environnemental de son cabinet et en soutenant la promotion de la santé planétaire (Horton, 2015). Relever le défi de l’atténuation et de l’adaptation pour pérenniser l’offre de soins bucco-dentaires s’appuie sur la démarche de réduction d’impact environnemental ou démarche écoresponsable. Celle-ci doit être réalisée tout en continuant à assurer la qualité et la sécurité des soins. Pour cela, il semble indispensable de créer et développer un outil intégré de qualité sécurité environnement qui réponde aux recommandations professionnelles et n’entrave en aucune manière la réalisation des soins et l’accueil des patients. Les soins ne s’envisagent pas sans l’intégration de leur durabilité. Il s’agit également d’arbitrer les différentes mesures ou actions de maîtrise d’impact en ayant accès à des données sourcées. Celles-ci permettent d’éviter les fausses bonnes idées ou effets rebonds. C’est l’objectif de l’expérimentation pionnière qui a été menée au sein de 8 cabinets dentaires volontaires en France de septembre 2019 à juillet 2020. Celle-ci vise à accompagner les praticiens, et les membres de leur équipe, si tel est le cas, à intégrer une démarche écoresponsable en cabinet dentaire par une approche systémique. OBJECTIF Le projet « Prévention Environnement Patients Soignants » PEPS souhaite participer au développement de la sensibilisation des praticiens aux enjeux actuels et à y répondre en les accompagnant dans la mise en œuvre d’une démarche personnalisée de maîtrise de leur impact environnemental en cabinet dentaire et de promotion de la santé environnementale en s’appuyant sur le bénéfice sanitaire, social, environnemental et économique généré par une IHTP, 2(3), SI: 27-47, 2022 CC BY-NC-ND 4.0 ISSN 2563-9269 30 évolution des pratiques. Cette approche globale de la dynamique en co-bénéfices est positive et fait écho à la mission initiale des professionnels de santé. Les actions en faveur de l’environnement et des écosystèmes susceptibles d’être intégrées à la gestion d’un cabinet dentaire ou de tout cabinet médical sont fréquemment dans le même temps des actions préventrices de la santé de l’équipe soignante, de celle des patients et promotrices de santé publique. Ces mesures peuvent concerner la démarche de sobriété chimique, de l’écoprescription, de la rénovation et de l’isolation des bâtiments ou encore des mobilités douces. Le projet PEPS a également pour objectif de mettre à l’épreuve sur le terrain des outils et procédures intégrées construits sur des données probantes sans risque d’effet rebond pour l’environnement ou la qualité et la sécurité des soins et d’observer les freins et leviers à son déploiement à une plus grande échelle. METHODES L'étude a été menée au sein de 8 cabinets dentaires volontaires en France de septembre 2019 à juillet 2020. L’accompagnement des praticiens engagés et de leur équipe le cas échéant, s’est appuyé sur la mise à disposition de plusieurs outils créés par le réalisateur de projet et des ressources adaptées au contexte de chaque structure. Les étapes du programme (Figure 1) 1. Recrutement : Le programme a débuté avec le recrutement de 8 « Praticiens et Cabinet Pilotes » (PCP) grâce à une enquête menée et diffusée par l’URPS CDLB au 2ème trimestre 2019 auprès des chirurgiens-dentistes de la région Bretagne. L’objectif de l’enquête était d’évaluer le degré de sensibilisation et d’information qu’avaient les praticiens quant à la santé environnementale et à l’écoresponsabilité, et leur besoin d’information et/ou d’accompagnement pour faire évoluer leurs pratiques. Le questionnaire était construit autour de 15 questions et une seizième qui permettait de collecter les coordonnées des praticiens intéressés par le projet PEPS. 2. Présentation : Un premier temps-fort de sensibilisation et de formation aux enjeux actuels de santé et d’écologie, aux notions d’empreinte écologique humaine et médicale et à la promotion de la santé environnementale et de la santé durable et à leurs déterminants, a eu lieu en septembre 2019. Cette séance a permis également de présenter les outils créés pour accompagner les équipes et d’engager les échanges entre les praticiens volontaires. 3. Evaluation initiale : Chacun des PCP a ensuite bénéficié d’une évaluation personnalisée de ses pratiques en termes d’impact écologique et d’environnement professionnel en intégrant les enjeux de la qualité et de la santé au travail. Pour piloter leurs actions et les inscrire dans une démarche d’amélioration continue, une auto-évaluation accompagnée a été proposée. Celle-ci s’appuie sur une grille de 60 critères environnementaux, 10 questions pour chacune des 6 thématique suivantes et la possibilité d’y répondre par OUI ou NON : Maîtrise des consommations d’énergie et des ressources et des émissions de GES directes, démarche d’achat écoresponsable, maîtrise de la qualité de l’air intérieur, gestion de l’eau, gestion des déchets et enfin, management responsable et communication auprès de l’équipe et de l’ensemble des parties prenantes de la démarche de santé durable. Ces thématiques ou pistes d’action ont été définies suite à l’observation des différents postes à impact et des flux de matière entrants et sortants de la structure (Figure 2). Elles permettent d’appréhender de manière globale et systémique la maîtrise de l’impact écologique du cabinet dentaire en allant au-delà des seuls impacts ou pollutions directs ou visibles. Elles ont été reprises au sein du référentiel créé sur mesure (Figure 3). Pour chaque poste à impact la proposition n’est pas le solutionnisme court-termisme ou recours à plus de technologie. La proposition est en premier lieu une réflexion globale de durabilité forte et de sobriété (Fichier Supplémentaire). 4. Définition des objectifs : L’auto-évaluation accompagnée a permis aux PCP de valoriser les éventuels écogestes déjà mis en place et de se fixer des objectifs adaptés au contexte de leur activité professionnelle et relatifs aux thématiques auxquelles ils étaient les plus sensibles. Chaque clinique ou lieu d’exercice de la santé bucco-dentaire présente des spécificités. Il appartient à chaque IHTP, 2(3), SI: 27-47, 2022 CC BY-NC-ND 4.0 ISSN 2563-9269 31 praticien et aux membres de son équipe, de s’approprier les pistes de réflexion et de propositions d’action selon leur contexte et leurs contraintes tels que le fait d’exercer en solo ou en groupe, en omnipratique ou en exercice spécialisé, en milieu rural ou urbain, au sein d’un bâti ancien ou plus récent par exemple. 5. Intégration : L’accompagnement s’est déroulé sur 6 mois avec des échanges réguliers entre le réalisateur du projet et les PCP, le partage de conseils adaptés ou encore la création de procédures intégrées. 6. Evaluation finale : A l’issue de cette période, l’auto-évaluation est réalisée grâce aux 60 critères prédéfinis. Un temps d’échange et un compte rendu rétrospectif de la démarche et la comparaison des résultats obtenus entre l’entrée et la sortie du programme ont permis d’apprécier la progression réalisée et pour les PCP de se fixer des nouveaux objectifs afin de poursuivre et ajuster leur démarche au-delà du temps du projet. L’objectif global n’était pas un utopiste « cabinet zéro impact » mais une maîtrise de l’empreinte écologique progressive qui s‘inscrit dans la durée. 7. Bilan : Le programme a été suivi d’une évaluation du projet auprès des PCP et des membres de l’URPS afin de réaliser un bilan global de celui-ci et de sa pertinence et des freins et leviers pour déployer le programme à une plus grande échelle. Une démarche selon le principe de l’amélioration continue La démarche écoresponsable est basée sur un engagement volontaire et un principe directeur d’amélioration continue de la performance environnementale par la maîtrise des différents impacts générés par l’activité du cabinet médical. L’objectif à atteindre est d’inscrire l’engagement écoresponsable du praticien et de son équipe dans une dynamique positive et dans la durée. Il s’agit notamment d’éviter la mise en place d’écogestes isolés non coordonnés alors peu pérennes voire contre-productifs. Dans un quotidien déjà très occupé à prendre soin des patients et à répondre aux contraintes réglementaires et aux charges de gestion et d’organisation, l’intégration de la démarche doit être facilitée et planifiée. Le système d’amélioration continue est classiquement représenté par la roue de Deming, ou démarche PDCA (Plan/Planifier - Do/Développer - Check/Contrôler - Act/Ajuster). (Figure 1) Chacune des étapes est un préalable à la suivante et entretient une dynamique vertueuse. La définition d’objectifs clairs est un préalable indispensable à une action concrète et efficace. Afin de formuler ces objectifs et les indicateurs de leur atteinte, les équipes pourront s’aider de la méthode SMART. Selon cette méthode, ces objectifs doivent être Spécifiques/simples c’est-à-dire précis et compréhensibles par chaque acteur, Mesurables, Atteignables, Réalistes soit adapté au contexte et aux moyens à disposition et Temporels c’est-à-dire définis dans le temps. Un exemple d’objectif SMART : baisser les consommations électriques de 10 % en 6 mois. Se fixer des objectifs trop ambitieux ou trop nombreux est potentiellement contreproductif. Le risque de ne pas les atteindre tous peut être démotivant et mettre à mal tous les efforts et bonnes intentions formalisés au départ. Il est recommandé de se fixer 2 ou 3 objectifs bien cadrés, en contrôlant leur ordre de grandeur environnemental pour qu’ils présentent un réel intérêt, et en fixer rapidement de nouveaux, une fois que ceux-ci sont atteints. Les outils de l’accompagnement Les entretiens et auto-évaluations Chaque étape a débuté par un temps d’échange avec le PCP. Tous les membres de l’équipe sont invités à y participer. Selon les équipes, le questionnaire a été rempli par le seul praticien titulaire, pour d’autres, certains membres ont participé et pour une équipe tous les membres étaient présents. Les données et informations sont collectées et interprétées afin d’accompagner les PCP dans leur démarche. Le questionnaire d’auto-évaluation articulé autour de 60 critères qualité - santé - environnement et organisationnels, 10 questions par thématique proposée, est complété par les PCP de manière accompagnée. Le format de réponse proposé est IHTP, 2(3), SI: 27-47, 2022 CC BY-NC-ND 4.0 ISSN 2563-9269 32 simple. Deux réponses sont possibles OUI/NON. Le PCP obtient ainsi un score global sur 60 points et un score pour chaque thématique sur 10 points. Une section « commentaires » est proposée afin de préciser la motivation à répondre OUI ou NON et les questionnements en rapport avec la thématique et le critère avancé. Cela a permis de transmettre des informations complémentaires et d’approfondir certaines notions encore mal connues par les professionnels de santé. Une fois le score obtenu, les PCP ont pu évaluer leur état d’avancement selon les différentes thématiques abordées et commencer à cerner les bornes de leur feuille de route. Une visite du cabinet dentaire est réalisée au cours de la même séance. Elle est particulièrement pertinente car elle permet de confirmer, compléter ou infirmer les réponses avancées par les PCP. Afin d’assurer la confidentialité des réponses aux différents questionnaires, des comptes rendus réalisés, des propos recueillis et des pratiques observées au sein des différents cabinets, une convention tripartite a été signée entre le réalisateur du projet, le PCP et le porteur de projet, l’URPS CDLB. Celle-ci précisait notamment le cadre confidentiel des données et le respect du secret médical si besoin. Aucune information ou témoignage n’a circulé sans avoir recueilli l’accord préalable du ou des PCP impliqués. De plus les résultats des auto-évaluations individuelles ont été communiqués uniquement au sein de l’équipe concernée. Seuls les résultats de l’observation de la progression globale des équipes entre les deux temps d’auto-évaluation ont été communiqués au-delà des seuls membres de chaque équipe ou PCP. (Figure 4) Des outils sur mesure et des procédures adaptées Selon les objectifs fixés et les thématiques privilégiées, des affichages, communications ou procédures sont créés et proposés. Les procédures classiquement présentes en cabinet telles que la gestion des déchets et leur élimination ou le traitement des dispositifs médicaux sont augmentées d’un volet environnemental. Un guide pratique Le guide propose trois chapitres. Le premier rappelle les prérequis qui sont le fait de respecter impérativement les recommandations professionnelles et d’assurer qualité et sécurité des soins. Il présente le principe de la démarche d’amélioration continue et un référentiel ou tableau de bord permettant d’établir la feuille de route et d’observer la progression de l’intégration de la démarche environnementale. Le tableau de bord, outil de pilotage de la démarche, permet à chacun de ses acteurs de visualiser ses avancées et de répertorier les actions en lien avec les différents postes à impact. Sa mise à jour est incontournable pour pérenniser la démarche et gagner en efficacité. Pour chaque objectif fixé selon le schéma SMART, des indicateurs qualitatifs ou quantitatifs sont définis. Selon le principe de la démarche d’amélioration continue, après une période déterminée et validée par tous à l’avance, il s’agit d’observer si ces objectifs sont atteints, si oui, en fixer d’autres, sinon, évaluer les freins ou les raisons de cet échec et y remédier. Le tableau de bord est composé de 6 fiches réparties selon les thématiques prédéfinies : Maîtrise des consommations d’énergie et des ressources et des émissions de GES directes, démarche d’achat écoresponsable, maîtrise de la qualité de l’air intérieur, gestion de l’eau, gestion des déchets et management et communication de la démarche de santé durable auprès de l’équipe et de l’ensemble des parties prenantes. Les fiches présentent un rappel des principales données théoriques et enjeux, des risques et opportunités liées à la thématique et un tableau offrant la possibilité de répertorier les objectifs fixés, les indicateurs de l’atteinte de ces objectifs et une colonne permettant de préciser l’échéance définie et l’état d’avancement pour cette action. (Figure 3) RESULTATS Après plus de 6 mois de mise en œuvre et grâce à l’engagement de chaque praticien et éventuellement des membres de son équipe, l’audit final a permis d’établir un bilan positif. Les équipes ont suivi l’ensemble du programme. L’ensemble des PCP a progressé dans la démarche et pour la plupart sur chacun des 6 thèmes proposés. (Figure 4) Cependant IHTP, 2(3), SI: 27-47, 2022 CC BY-NC-ND 4.0 ISSN 2563-9269 33 la marge de progression n’a pas été uniforme entre eux. Une partie du programme s’est déroulée au commencement de la crise de Covid-19. En France, les cabinets dentaires ont été fermés pendant plusieurs semaines. Cet événement a été ressenti différemment parmi les PCP. Pour certains, il a été un frein, entrainant une baisse de la dynamique engagée. Pour d’autres, il a été vécu de manière positive, car il a permis de réaliser certaines actions plus chronophages, telles que la collecte et la consultation des fiches de données de sécurité ou la création de procédures intégrées. A l’occasion de l’entretien final de l’accompagnement et la revue thématique par thématique, il a été proposé aux PCP de se fixer de nouveaux objectifs. Tous ont relevé le défi. Le bilan global de ce projet est positif à plusieurs titres. Tout d’abord, par le fait même de sa création et de sa mise en œuvre, celui-ci étant pionnier sur le sujet en France qu’il s’agisse des cabinets dentaires ou des cabinets médicaux ou paramédicaux de ville. Il envoie un message positif et présente l’avantage d’éclairer les attentes actuelles des praticiens en matière d’écoresponsabilité et de santé planétaire et d’interpeler l’ensemble des parties prenantes de la médecine bucco-dentaire. Il permet également de proposer de nouvelles stratégies et de débuter un travail complexe mais néanmoins nécessaire face aux enjeux sanitaires et environnementaux actuels. Ce projet a été mené à terme. Chaque étape préétablie a été validée, et ceci malgré le contexte sanitaire particulier lié à l’épidémie de Covid-19 qui a nécessité une adapttaion des dernières étapes. DISCUSSION Les limites Les objectifs et actions ont été choisies par les PCP eux-mêmes. Aucun n’a fait le choix de faire une évaluation quantitative de la maîtrise d’impact environnemental générée par la démarche, tel que le volume de déchets évité en kilos, de kilomètres en véhicule carboné non parcourus ou de litres d’eau économisés. Plus de données quantitatives auraient été intéressantes pour évaluer finement la maîtrise de ces critères ou les économies financières réalisées. Lors du premier temps fort, seuls les PCP étaient présents. Les collaborateurs ou assistants dentaires n’étaient pas conviés d’emblée à y participer. Il s’avère que cela a été un frein important pour plusieurs cliniques. Certains membres moins sensibilisés par ailleurs aux enjeux écologiques actuels ont de prime abord accueillis l’intégration de cette démarche uniquement comme une contrainte supplémentaire. En rencontrant les équipes sur site, l’aspect santé au travail a été valorisé et a permis pour la plupart de les intégrer à la dynamique. Cependant le déficit de sensibilisation et d’information sur le sujet et ses enjeux est resté un frein pour certaines équipes. Les leviers pour accélérer le développement de la démarche L’approche positive en co-bénéfices Intégrer une démarche écoresponsable par l’écoconception des soins, c’est maîtriser les impacts environnementaux générés directement ou indirectement par l’activité de médecine bucco- dentaire à chaque étape du cycle de vie des soins délivrés, des biens et services en lien. Cette démarche est également une des voies d’entrée à la démarche de santé durable. En effet, elle s’articule de manière implicite et vient soutenir les deux autres piliers du développement durable ou soutenable que sont le pilier économique et le pilier socio-sanitaire. (Figure 5) Ainsi, dans le cadre de la médecine bucco-dentaire, cette démarche permettra de considérer toutes les opportunités disponibles pour réduire l’impact environnemental du cabinet tout en favorisant le développement de la qualité de vie au travail de l’équipe, de l’équité sociale et la sécurité sanitaire et de l’efficacité économique. Elle est un formidable vecteur de prévention et de promotion de santé environnementale. La proposition s’inscrit dans les objectifs de la santé planétaire, prendre soin équitablement dans le respect des limites planétaires afin de participer au maintien des conditions de santé et de bien-être du vivant. Pour être pérenne, cette démarche doit être intégrée de manière transversale à la gestion du cabinet. Son suivi et le temps nécessaire pour la mener doivent être inscrits à l’agenda de la structure. IHTP, 2(3), SI: 27-47, 2022 CC BY-NC-ND 4.0 ISSN 2563-9269 34 Prévention et promotion de la santé La prévention et la promotion de la santé font partie intégrante de la démarche écoresponsable. En maîtrisant le développement de nouvelles pathologies, la demande de soins va diminuer ce qui aura pour conséquences de limiter les impacts écologiques initiaux et de pouvoir concentrer les moyens humains et financiers à soigner de manière optimale ceux qui en ont le plus besoin et continuer de développer les conditions de santé et de bien-être auxquelles chaque individu aspire et devrait avoir accès. Formation initiale et continue Afin d’intégrer la démarche d’écoconception des soins et de durabilité en santé, les thématiques de santé-environnement, santé durable et de santé planétaire doivent être intégrées de manière transversale à l’offre de formation initiale et continue pour les chirurgiens-dentistes, assistantes dentaires ou hygiénistes, pour les médecins et l’ensemble des professionnels et acteurs de santé. Une récente enquête, dont l’objet était de recueillir l’opinion des professionnels de santé sur le changement climatique et la santé, a été menée auprès de plus de 4 500 professionnels de santé en exercice à travers le monde (Kotcher, 2021). Les résultats de l’étude ont confirmé le fait que ceux-ci ont majoritairement appréhendé la réalité du changement climatique et les conséquences sanitaires qui en découlent. Mais, bien qu’ils se reconnaissent responsables d’en informer le public et les décideurs politiques, ils s’en sentent empêchés par contrainte de temps, a fortiori avec la charge de travail supplémentaire que la crise de Covid-19 a engendré. Mais ils évoquent aussi le manque de supports de formation et de communication adaptés. 41 % des répondants estiment qu’ils manquent de connaissances sur le sujet. Engagement systémique – Interindividuel, interdisciplinaire, interprofessionnel Pour transformer l’économie et les pratiques de santé à la hauteur des défis écologiques et sanitaires actuels, l’engagement de l’ensemble des parties prenantes est nécessaire, c’est-à-dire de l’ensemble des personnes ayant un intérêt ou une relation avec les activités menées au sein du cabinet dentaire et, au-delà, de toutes les activités de santé. Intégrer une démarche écoresponsable est l’opportunité de communiquer sur les actions et engagements de la structure et des membres de son équipe avec ces parties prenantes. C’est inviter ainsi, patients, usagers, organisations professionnelles, fabricants, fournisseurs ou encore personnalités politiques, à intégrer à leur tour la maîtrise de l’impact environnemental au cœur de leurs activités et à collaborer pour innover et développer ensemble la démarche et promouvoir la santé planétaire. Le sujet du coût économique de l’accompagnement a été peu ou pas abordé lors de la conduite de ce projet qui a été soutenu financièrement par un organisme public. Les PCP auraient souhaité avoir accès à plus de formations, de temps de management direct de l’ensemble des membres de leur équipe. Ces demandes sont pertinentes mais représentent un temps et une charge de travail conséquents. La plupart des PCP proposent une pérennisation de ce projet grâce au soutien des organisations professionnelles publiques. Ce point de vue est intéressant car il suppose une gestion et une prise en charge de la protection de la santé de l’équipe soignante et de celle des écosystèmes par les politiques publiques. Ce soutien universel permet d’éviter la démarche lucrative d’un accompagnement par des cabinets de conseil privés qui supposent un engagement financier supplémentaire de la part des praticiens et offre ainsi un accès équitable à la démarche de santé durable et planétaire. CONCLUSION Le projet PEPS a été l’opportunité de concevoir et d’expérimenter un projet promoteur valorisant le fait que l’environnement - qu’il soit global, local, privé ou professionnel - est un facteur déterminant de la santé. Il participe à terme à faciliter le passage à l’action par la création d’une démarche positive, ajustée et évolutive selon les besoins et attentes de terrain des soignants. La démarche d’écoresponsabilité intégrée et adaptée à l’exercice en cabinet dentaire ou médical sera d’autant plus IHTP, 2(3), SI: 27-47, 2022 CC BY-NC-ND 4.0 ISSN 2563-9269 35 dynamisée et pérennisée que l’approche en co- bénéfices sanitaires, sociaux et écologiques sera valorisée. Un autre levier majeur est celui de la formation de l’ensemble des acteurs de santé. Mettre en œuvre une démarche écoresponsable en santé, via des actions d’atténuation et d’adaptation, est une invitation à repenser, innover, réinventer nos pratiques. La transition écologique du système de santé doit être abordée et accueillie comme une opportunité à faire converger la soutenabilité environnementale et la promotion de la santé, ces deux voies d’action sont en interrelation, promotrices de santé planétaire. De fait, les professionnels de santé ont un rôle majeur à jouer dans la transformation écologique en tant qu’acteur et également en tant qu’ambassadeur auprès des populations. Mener ce projet a permis de communiquer, au- delà des professionnels de la santé bucco-dentaire exerçant en Bretagne sur les avantages à intégrer une démarche écoresponsable en cabinet de santé ou cabinet médical. Le message actuel peut prendre la forme d’un nudge (Huyard, 2016). Si des praticiens ont réussi à intégrer une telle démarche au cœur de leurs pratiques, pourquoi pas vous ? REFERENCES Baras, A. (2021). Guide du cabinet de santé écoresponsable. Les presses de l’EHESP. 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Exemple d’une fiche pratique confiée aux PCP et propositions d’objectifs à adapter à leur contexte IHTP, 2(3), SI: 27-47, 2022 CC BY-NC-ND 4.0 ISSN 2563-9269 40 Figure 4. Evolution des scores entre les auto-évaluations initiale et finale pour l’ensemble des PCP IHTP, 2(3), SI: 27-47, 2022 CC BY-NC-ND 4.0 ISSN 2563-9269 41 Figure 5. Les trois piliers de la santé durable dans les pratiques de santé IHTP, 2(3), SI: 27-47, 2022 CC BY-NC-ND 4.0 ISSN 2563-9269 42 Fichier Supplémentaire Les thématiques et l’orientation des objectifs proposées dans le cadre du projet PEPS - Energies et Gaz à effet de serre/ Maîtrise des consommations d’énergie et des ressources et des émissions de GES directes : La première étape est de chercher à réduire les consommations et le gaspillage des ressources nécessaires à l’activité professionnelle quotidienne. Ces mesures peuvent concerner les consommations d’énergie liées au bâti et aux activités de soin et d’entretien, les déplacements et le transport des personnes qui visitent ou exercent au sein du cabinet ou encore les activités numériques de gestion ou de télémédecine. Une fois ces consommations limitées au strict minimum, l’impact écologique de celles-ci peut encore être minimisé en visant l’efficacité énergétique. A service ou confort égal, concernant un bâti, un transport, un équipement électrique par exemple, le rapport entre l’énergie utilisée et l’énergie totale consommée pour le faire fonctionner est optimisée. Vient ensuite le choix de se fournir en énergies renouvelables afin de soutenir la transition énergétique via l’utilisation d’une énergie moins carbonée. « L’énergie la plus écologique est celle que l’on ne dépense pas » Afin de mener une démarche écologique efficace, il est indispensable d’arbitrer les actions après avoir observé quels sont les postes les plus émetteurs. Si l’objectif est la réduction des émissions de GES directes au cabinet dentaire, à défaut d’avoir accès à un calculateur carbone spécifique à la pratique de médecine bucco-dentaire, la lecture des études quantitatives ayant été publiées sur le sujet est opportun. Elles sont encore peu nombreuses dans le secteur de la dentisterie. Au Royaume-Uni, le National Health Service (NHS) a entrepris une campagne pour atteindre un objectif zéro- émission en 2030, pour cela les sources d’émissions directes et indirectes ont été strictement évaluées. Alors que le bilan global estime à 4 % la part du système de santé des émissions nationales totales, le secteur de la médecine bucco-dentaire représente une part proche de 3 % de celles-ci. Cette proportion est du même ordre de grandeur que celle comptabilisée en Australie (NHS, 2020 ; Duane et al., 2017 ; Malik et al., 2018). IHTP, 2(3), SI: 27-47, 2022 CC BY-NC-ND 4.0 ISSN 2563-9269 43 Le bilan réalisé par le NHS permet d’observer la répartition des différents postes d’activité émetteur de GES et ainsi cibler les plus importants. Ainsi, on observe que la majeure partie des GES émis (64,5 %) provient du transport des personnes usagers du cabinet dentaire, qu’il s’agisse de l’équipe soignante, des patients, ou des différents prestataires. Le 2ème poste le plus émissif est le poste des achats puis vient celui de la consommation d’énergie nécessaire au fonctionnement des structures de soin. Les émissions provenant de l’usage du protoxyde d’azote, du traitement des déchets et de la consommation d’eau ne représentent relativement qu’une faible proportion des émissions totales (1,2 %). Ainsi, promouvoir la mobilité douce ou active est un objectif qui peut sembler prioritaire. Ces résultats ne sont pas transposables à part égale par exemple au contexte de la France en raison de la part plus importante du nucléaire dans le mix énergétique français par rapport au mix anglais, de plus les moyens de déplacement, le volume de consommation des soins, les moyens techniques et technologiques et la nature même de ces soins peuvent différer largement d’un pays à l’autre. Mais ils ont l’avantage de fournir un ordre de grandeur. - Achat/ Démarche d’achat écoresponsable : le principe général est de consommer moins et mieux. Le prérequis est de prendre conscience que la majorité des produits et services proposés ou mis sur le marché ne peut être associée à un « zéro impact » pour l’environnement. L’empreinte environnementale du bien doit être considéré sur l’ensemble de son cycle de vie (ACV), de l’étape d’extraction des matières premières et énergies nécessaires à sa fabrication, puis à son conditionnement, son transport, son usage jusqu’à l’étape de son élimination. « Le meilleur achat est celui que l’on ne fait pas » Pour limiter le nombre de produits ou services achetés au strict nécessaire, il est utile de déterminer les besoins à satisfaire, d’arbitrer utile vs futile. Il s’agit de mettre en place une gestion des stocks adaptée au contexte du cabinet, mener une réflexion sur l’usage unique ou encore optimiser la longévité des biens et équipements grâce à la maintenance et le suivi des consignes d’usage. Si un achat est inévitable, il s’agit alors d’opter pour le produit à moindre impact en optant pour l’alternative écolabellisée ou produite localement par exemple. En cabinet de santé, cette démarche va concerner également les produits de santé, médicaments, dispositifs médicaux et cosmétiques. Elle s’appuie sur l’intégration du critère environnemental dans la balance bénéfice/risque classique et sur la démarche d’écoprescription qui est le fait de maîtriser l’impact écologique de la prescription IHTP, 2(3), SI: 27-47, 2022 CC BY-NC-ND 4.0 ISSN 2563-9269 44 médicale. Celle-ci peut être intégrée avant, pendant et après l’acte médical de prescription : Avant, en prescrivant des alternatives non médicamenteuses comme l’hypnose, la méditation, l’activité physique ou la prescription de nature ; pendant, en s’assurant de la littératie et de l’observance ou en ne prescrivant que les médicaments dont le patient a réellement besoin ; après, en s’assurant que les déchets médicamenteux non utilisés ne seront pas jetés dans le circuit d’eau potable ou les déchets ménagers par exemple. - Eau/ Gestion de l’eau et des effluents : La maîtrise de l’empreinte eau vise à maîtriser les consommations d’eau douce tout en limitant le rejet de polluants dans les eaux usées ou effluents. (Figure 2) L’utilisation mondiale de l’eau et la pollution chimique font partie des 9 limites ou frontières planétaires au-delà desquelles la sauvegarde des écosystèmes est susceptible d’être compromise et la vie humaine menacée. Ces deux limites sont considérées par le Stockholm Resilience Center comme dépassées (Persson et al., 2022, Wang- Erlandsson et al., 2022). La pollution chimique ou « entités nouvelles dans la biosphère » concerne entre autres les métaux lourds, les nanoparticules et les polymères plastiques. Ces derniers sont couramment utilisés au sein des activités de médecine bucco-dentaire dans le cadre des activités thérapeutiques ou de la gestion du risque infectieux. L’objectif est de maîtriser cette empreinte sans nuire à la qualité et à la sécurité des soins. Ainsi, la démarche nécessite une vraie réflexion sur la balance bénéfice/risque de chaque geste ou action. La démarche « RSS » pour Réduction/Substitution/Suppression est appropriée à cette nécessité. Si le produit est indispensable à l’activité du cabinet de santé, il ne peut être supprimé. Il est alors envisagé de le substituer par un autre produit moins nocif à efficacité équivalente, un produit écolabellisé par exemple. Si la substitution n’est pas possible la gestion du risque nécessite de réduire les expositions au strict minimum pour protéger l’environnement et la santé au travail. - Air/ Maîtrise de la qualité de l’air intérieur : L’air intérieur des cabinets dentaires est plus pollué que de nombreux autres lieux de vie ou d’exercice professionnel du fait de la spécificité des activités qui y sont exercées (Iliadi et al., 2020). Les sources de pollution physiques et chimiques sont multiples et de natures diverses : aérosols contaminés issus de l’activité de soins, vapeurs, microparticule ou nanoparticules émanant des activités de polissage, de combustion ou de l’utilisation de produits de désinfection et de dispositifs médicaux tels que le mercure, le IHTP, 2(3), SI: 27-47, 2022 CC BY-NC-ND 4.0 ISSN 2563-9269 45 méthacrylate de méthyle, le latex ou encore certains solvants. La première étape de la démarche est de repérer les sources d’exposition et les risques qu’elles entrainent. Il s’agit des risques pour l’environnement via le protoxyde d’azote (MEOPA) et les composés organiques volatils notamment qui participent à l’effet de serre. Les risques pour la santé des membres de l’équipe soignante via leur exposition chronique à ces polluants chimiques et physiques sont l’augmentation du risque d’exposition biologique à des infections, de développement des allergies, de l’asthme, des pathologies cardio-vasculaires ou des cancers bronchiques. Les risques sont aussi liés à l’exposition aux perturbateurs endocriniens et substances cancérigènes mutagènes reprotoxiques (CMR) pour les publics les plus vulnérables : patients et soignants en âge de procréer, femmes enceintes et allaitantes, jeunes enfants et adolescents. Les chirurgiens-dentistes et assistants dentaires sont reconnus comme étant un public à risque accru d’exposition à ces substances. Une fois repéré, le risque doit être géré sur le même principe que pour la gestion de la qualité de l’eau, à savoir la démarche RSS. Il est indispensable d’intégrer une démarche de protection collective par l’optimisation du renouvellement de l’air. Plusieurs voies d’actions sont possibles. - Déchets/ Gestion des matières premières et résiduelles : Tout doit être mis en œuvre pour avant tout maîtriser la consommation des matières premières puis pour optimiser la gestion des matières résiduelles. Il s’agit de produire le moins de déchet possible puis de favoriser le recyclage de ce qui n’aura pu être évité. Pour cela la démarche 5R est un outil facilitateur (Baras, 2021). Les praticiens accompagnés dans le cadre du projet PEPS ont pu afficher la démarche 5R en salle de pause par exemple et inviter tous les membres de l’équipe à y participer. Cette démarche émane de la démarche « 3R » dont l’origine daterait des années 70 avec la mise en place du Jour de la Terre. Les « 3R » qui signifiaient alors Réduire, Réutiliser, Recycler. En dentisterie, les associations nord- américaines l’ont fait évoluer vers les 4R (Pockrass, 2008). Aujourd’hui, c’est la démarche 5R qui est proposée. Pour la mener, la réflexion débute par le fait de Refuser, puis Réduire ce qui n’est pas refusable ou évitable. La troisième étape incite à Réutiliser ou réemployer tout objet susceptible de l’être. Enfin, l’action de Recycler n’arrive qu’en quatrième position, le recyclage présentant des limites écologiques et économiques. Le 5ème R peut être de Repenser son activité ou ses besoins de manière transversale afin de maîtriser et compléter cette démarche de IHTP, 2(3), SI: 27-47, 2022 CC BY-NC-ND 4.0 ISSN 2563-9269 46 manière globale et vertueuse, comme réorganiser son agenda pour poser des rendez-vous plus longs et ainsi diminuer le nombre de rendez-vous nécessaires pour un même plan de traitement et donc à terme diminuer le volume de déchets et de déplacements. C’est aussi repenser son activité pour faire une place toujours plus importante à la prévention et à la promotion de la santé. Pour les particuliers, le cinquième R est couramment Rendre à la terre (Rot en anglais) ou composter. « Le meilleur déchet est celui qui n’est pas produit » Dans l’action de Réduire, la réflexion à mener sur l’usage unique et a fortiori sur l’usage des plastiques est un levier majeur de réduction de l’impact écologique d’un cabinet dentaire. Les études publiées récemment sur cette réflexion concluent que l’optimisation de la gestion des déchets est possible. Elle nécessite d’arbitrer ce qui est utile ou futile pour l’assurance qualité/sécurité des soins et d’observer quelles sont les alternatives aux consommables jetables indispensables. (Duane et al., 2019 ; Martin et al., 2021). Ces études affirment également que plus d’études probantes sont nécessaires pour cadrer les recommandations. De plus ces dernières varieront d’un pays à l’autre selon les modes de traitement des déchets, les ACV de chaque consommable ou encore les recommandations professionnelles en vigueur. En effet, pour arbitrer s’il est plus efficace écologiquement d’opter pour l’alternative réutilisable d’un bien vs l’usage unique, il est indispensable d’avoir accès aux résultats du calcul de son empreinte écologique. Cet affichage environnemental est encore peu intégré par les fabricants et distributeurs. - Intégration et développement/ Management responsable et communication de la démarche : Pour cette piste d’action, la première étape est de formaliser l’intégration de la démarche écoresponsable à la gestion globale du cabinet et à sa vision. Elle doit être proposée de manière positive, engageante et systémique selon l’approche en co-bénéfices. Les valeurs et motivations peuvent différer d’un professionnel à l’autre au sein d’une même équipe. Que le moteur soit d’ordre écologique, économique, social ou sanitaire – santé publique et/ ou santé au travail, la démarche et ses bénéfices multiples sauront les alimenter. Concernant la santé au travail, l’intégration de la démarche va présenter des co-bénefices multiples tels que l’amélioration de la qualité de l’air intérieur, la maîtrise de l’exposition aux produits chimiques, la motivation à faire plus d’activité physique (transports actifs), la prévention des risques psycho-sociaux par l’amélioration de la qualité IHTP, 2(3), SI: 27-47, 2022 CC BY-NC-ND 4.0 ISSN 2563-9269 47 de vie au travail – projet commun porteur de sens, écoute des besoins, motivations intrinsèques, sécurité grâce à la pérennité économique de la structure - par exemple. L’objectif suivant est de communiquer à l’ensemble des usagers et des parties prenantes du cabinet l’intégration de la démarche, en rédigeant une charte personnalisée par exemple. Elle permet de communiquer les valeurs du chirurgien-dentiste et des membres de l’équipe et leurs motivations à promouvoir la santé orale et globale et la santé planétaire. Au-delà d’être acteurs de la transformation écologique, les professionnels de santé gagnent à en être également des ambassadeurs.