73Casanueva Volume 11, No. 2. Special Issue: “Corporate Governance and Ethics” Guest Editors: Vincent Dessain, Olivier Meier and Vicente Salas � Riadh Manita 2008 La qualité de lʼaudit externe : proposition dʼune grille dʼévaluation axée sur le processus dʼaudit, M@n@gement, 11: 2, 191-210. Copies of this article can be made free of charge and without securing permission, for purposes of teaching, research, or library reserve. Consent to other kinds of copying, such as that for creating new works, or for resale, must be obtained from both the journal editor(s) and the author(s). M@n@gement is a double-blind refereed journal where articles are published in their original language as soon as they have been accepted. For a free subscription to M@n@gement, and more information: http://www.management-aims.com © 2006 M@n@gement and the author(s). M@n@gement ISSN: 1286-4892 Editors: Alain Desreumaux, U. de Lille I Martin Evans, U. of Toronto Bernard Forgues, U. de Lille I Hugh Gunz, U. of Toronto Martina Menguzzato, U. de València M@n@gement est la revue officielle de lʼAIMS M@n@gement is the official journal of AIMS http://www.management-aims.com http://www.management-aims.com http://www.strategie-aims.com Riadh Manita Groupe ESC RouenDépartement Comptabilité-Audit eMail: riadh.manita@groupe-esc-rouen.fr La qualité de l’audit externe : proposition d’une grille d’évaluation axée sur le processus d’audit Les récents scandales financiers ont bouleversé la conception et lʼévaluation de la qua- lité de lʼaudit. Ils ont démontré lʼincapacité des approches classiques dʼévaluation à appréhender la qualité dʼaudit. Devant cette situation, les milieux économiques et juri- diques ont réagi en adoptant une nouvelle loi sur la sécurité financière. Celle-ci favorise une évaluation de la qualité dʼaudit orientée vers lʼanalyse du processus dʼaudit. Cette mission a été confiée au comité dʼaudit, vu son accès privilégié à lʼinformation et la place centrale quʼil occupe dans le processus de contrôle. Lʼobjectif principal de ce papier est la construction dʼune grille dʼévaluation de la qualité du processus dʼaudit. La concep- tion et la validation de cette grille dʼévaluation ont été réalisées sur le terrain tunisien dans le cadre dʼun protocole expérimental se basant sur la démarche de Churchill (1979). Lʼéchelle de mesure ainsi obtenue met en évidence 49 indicateurs de qualité répartis sur 6 étapes du processus. En tant que mécanisme de gouvernance, le rôle essentiel de lʼaudit est de réduire en grande partie lʼasymétrie dʼinformation entre gestion- naires et actionnaires ou tiers contractants. En garantissant lʼimage fidèle des informations financières communiquées, lʼaudit constitue un facteur clé permettant à ces derniers de prendre leurs décisions propres. Etant donné son importance pour la prise de décision, les dif- férents utilisateurs des états financiers ont besoin dʼêtre sécurisés quant à la qualité de cet audit. Cependant lʼappréciation ou la mesure de cette qualité est problématique. Le résultat de la qualité dʼaudit nʼétant pas directement ou immédiatement visible, le processus dʼau- dit est très complexe et inobservable par les tiers, et le rapport dʼaudit (résultat dʼun audit) est tellement standardisé dans son contenu et dans sa formulation quʼil nʼoffre que peu de possibilité de différencia- tion. Dans ce sens, un échec dʼaudit nʼest souvent connu que dans un contexte de faillites largement médiatisé (Wooten, 2003). Il est en effet difficile de connaître le nombre des audits de mauvaise qualité qui pas- sent inaperçus sans quʼils soient rendus publics (Manita, 2005). Dans ce cadre, la plupart des chercheurs en la matière (notamment DeAngelo, 1981 ; Nichols et Smith, 1983 ; Eichenseher et Shields, 1989 ; Lennox,1999) admettent que lʼévaluation de la qualité dʼaudit repose sur deux concepts de base : la compétence et lʼindépendance de lʼauditeur1. Dans ces études les chercheurs ont essayé dʼappré- 191 M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics 1. La qualité d’une démarche d’audit est déterminée par la capacité de l’auditeur à déceler les éventuelles erreurs et anomalies du système (qualité de détection) et à rendre compte des découvertes mises en évidence lors de ses travaux (qualité de révélation). mailto:riadh.manita@groupe-esc-rouen.fr hender la qualité dʼaudit à travers la qualité de lʼauditeur. En raison de la difficulté dʼobservation du processus dʼaudit, la majorité des études normatives et expérimentales sʼest concentrée, moyennant une approche indirecte dʼévaluation, sur la recherche de substituts de la qualité dʼaudit. Ces derniers, sont soient perçus par le marché soient liés aux caractéristiques intrinsèques de ces deux concepts (Kaplan,1995 ; Reckers, Wheeler et Wong-on-Wing, 1997 ; Krishnan et Schauer, 2000). Plusieurs chercheurs ont souligné que cette approche dʼévaluation plu- tôt indirecte de la qualité dʼaudit admet des limites conceptuelles et empiriques qui atténuent sa crédibilité. Les premières sont liées essen- tiellement aux risques de sélection adverse et de complaisance avec les dirigeants (Fama et Jensen, 1983 ; Craswell,1988 ; Citron et Taffer, 1992). Les secondes se rapportent plutôt aux caractéristiques des indi- cateurs identifiés (indicateurs très simplistes et très réducteurs de la complexité de la qualité dʼaudit) et à leur incapacité de déterminer ce qui doit être fait pour améliorer la qualité dʼaudit (Sutton, 1993). Les derniers scandales financiers (notamment lʼaffaire Enron) et la faillite du cabinet Arthur Andersen2, ont confirmé lʼinsuffisance de cette approche indirecte dʼévaluation, à appréhender la qualité dʼaudit. En Tunisie, nous avons assisté en 2002 à lʼéquivalent du cas Enron. Il sʼagit de la faillite de la société Batam3. Celle-ci a engendré une crise de confiance sur le marché financier tunisien en affectant la fiabilité de lʼinformation financière et la qualité de lʼaudit. Ces scandales ont bou- leversé la conception et la mesure de la qualité dʼaudit qui reposait jus- quʼalors sur des indicateurs exogènes au processus dʼaudit. Ces constats dʼinefficacité des approches classiques dʼévaluation de la qualité dʼaudit ont conduit le monde professionnel, mais aussi aca- démique, à repenser les règles et les mécanismes actuels dʼévaluation de la qualité dʼaudit et à mener un débat et une réflexion sur la pro- blématique de sa mesurabilité. Sur le plan professionnel, cette réflexion a débouché sur lʼadoption en Tunisie dʼune nouvelle loi sur la sécurité financière sʼinspirant de la loi SOX aux USA et la loi sur la sécurité financière en France. Dʼune part, cette loi exige à toutes les sociétés cotées de nommer un comité dʼaudit. Dʼautre part, elle favo- rise le contrôle par ce comité de la qualité de la mission réalisée par lʼauditeur externe. Sur le plan académique, plusieurs chercheurs (Knapp, 1991 ; Carcel- lo, Hermanson et McGrath, 1992 ; Pigé, 2003) ont aussi plaidé pour un dépassement des approches indirectes dʼévaluation dʼaudit et pour une réorientation de lʼanalyse de la qualité basée sur le processus de lʼauditeur. Les auteurs suggèrent que lʼévaluation de ce processus doit être effectuée par le comité dʼaudit, étant donné son accès privilégié à lʼinformation et la place centrale quʼil occupe dans le processus de contrôle. Cette nouvelle mission confiée aux comités dʼaudit nécessite la mise en place, au profit de ces derniers, dʼun outil dʼévaluation de la qualité du processus dʼaudit. Cette perception particulière de déroulement de la mission par le comité dʼaudit nʼa pas été, à notre connaissance, étu- diée par les auteurs. Riadh Manita 192 M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics 2. La taille du cabinet d’audit était consi- dérée à la fois comme indicateur de com- pétence et indépendance et pourtant le cabinet Arthur Andersen a fait faillite suite à l’affaire Enron. 3. Batam une société de grande distribu- tion très renommée localement, notamment en électroménager, et cotée à la bourse de Tunis. Cette société a fait faillite sans aucune alerte de la part du commissaire aux comptes. A la suite d’une action en justice contre le commissaire aux comptes, celui-ci a été condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement. Lʼobjet de ce papier est de proposer au profit des comités dʼaudit (et par conséquent à des administrateurs soucieux quant à la qualité dʼau- dit) un outil dʼévaluation la qualité du processus dʼaudit. Lʼanalyse de celui-ci exige une grille dʼévaluation que nous proposons dʼétudier afin de mettre en évidence les indicateurs de qualité les plus pertinents. Après une présentation de la revue de littérature sur la qualité de lʼau- dit, nous exposerons la démarche empirique de notre recherche. Ensuite, nous présenterons et analyserons les résultats obtenus. Enfin, nous conclurons notre papier en discutant ses résultats et en mettant lʼaccent sur ses limites. LES INDICATEURS DE MESURE DE LA QUALITE D’AUDIT Plusieurs chercheurs se sont intéressés à mesurer la qualité dʼaudit (DeAngelo, 1981 ; Nichols et Smith, 1983 ; Eichenseher et Shields, 1989 ; Lennox, 1999 ; Krishnan et Schauer, 2000). Cependant, la majorité de ces travaux était consacrée à lʼanalyse de la qualité de lʼauditeur en tant quʼune approximation de la qualité dʼaudit, plutôt quʼà lʼanalyse du processus dʼaudit lui-même. LES ÉTUDES BASÉES SUR LʼANALYSE DE LA QUALITÉ DE LʼAUDITEUR La qualité de lʼaudit a été définie par DeAngelo (1981: 186) comme « lʼappréciation par le marché de la probabilité jointe quʼun auditeur va simultanément découvrir une anomalie ou irrégularité significative dans le système comptable de lʼentreprise cliente et mentionner et publier cette anomalie ou irrégularité ». Dans ce sens, Citron et Taffler (1992) précisent quʼun rapport dʼaudit sera de qualité sʼil est le résul- tat dʼun processus dʼaudit techniquement compétent et indépendant. De nombreux chercheurs (Flint, 1988 ; Knapp,1991 ; Moizer, 1997) ont retenu cette double approche pour définir la qualité de lʼaudit en dis- tinguant la compétence technique (qualité de détection) de lʼindépen- dance (qualité de révélation) de lʼauditeur. Dans ce cadre, plusieurs recherches (Nichols et Smith, 1983 ; Eichenseher et Shields, 1989 ; Kaplan, 1995 ; Reckers, Wheeler et Wong-On-Wing, 1997 ; Lennox, 1999 ; Krishnan et Schauer, 2000) se sont appuyées sur cette défini- tion de la qualité de lʼaudit pour identifier des substituts de la qualité de lʼaudit perçus par le marché ou liés aux caractéristiques intrinsèques de ces deux concepts (compétence et indépendance de lʼauditeur). En effet, devant la difficulté dʼobservation du processus dʼaudit, la majori- té des recherches normatives ou expérimentales sʼest tournée vers une appréciation de la qualité dʼaudit à travers la qualité de lʼauditeur en tant quʼindividu ou groupe dʼindividus. Ces recherches peuvent être subdivisées en quatre sous groupes. Le premier groupe sʼest concentré sur lʼidentification des indicateurs de qualité perçus par le marché tels que la taille (Piot, 2004 ; Hay, Kne- chel et Wong, 2006), les honoraires (Malone et Roberts, 1996 ; Hay et La qualité de lʼaudit externe : proposition dʼune grille dʼévaluation 193 M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics 194 Riadh Manita al., 2006) et la réputation de lʼauditeur (Palmrose, 1988 ; McNair, 1991 ; Davis et Simon, 1992 ; Moreland, 1995 ; Carey et Simnett, 2006 ; Moizer, 1997). Le deuxième groupe a tenté dʼappréhender la qualité en examinant les caractéristiques organisationnelles de la firme dʼaudit. Ces études par- tent du constat que, comme toute organisation, les cabinets dʼaudit disposent dʼune structure hiérarchique et dʼune organisation de travail qui leur sont propres. Ils disposent aussi des auditeurs (à différents niveaux hiérarchiques) qui ont des motivations différentes face à lʼob- jectif dʼamélioration de la qualité dʼaudit (Power, 1995). La qualité du service fourni par les cabinets dʼaudit va dépendre donc non seule- ment de leurs organisations internes mais aussi de la qualité des efforts rendus par leurs équipes dʼauditeurs (Wotten, 2003)4. Le troisième groupe traite des caractéristiques propres aux équipes de travail dʼaudit. Les attributs de qualité identifiés se rapportent notam- ment au niveau dʼattention des associés et des managers aux travaux dʼaudit, au professionnalisme, persistance et scepticisme de lʼauditeur, à lʼexpérience avec le client et à lʼexpérience dans lʼindustrie (Wooten, 2003). Certains chercheurs se sont intéressés également aux com- portements de négligence professionnelle des collaborateurs qui sont de nature à réduire ou affecter la qualité de la mission de certification (Chow, Cooper et Waller, 1988 ; McDaniel, 1990 ; McNair, 1991 ; Malo- ne et Roberts, 1996). Le quatrième groupe a essayé de développer des indicateurs multicri- tères de la qualité dʼaudit. Il sʼagit dʼidentifier les différentes dimen- sions de la qualité de lʼaudit qui varieront selon les auditeurs, utilisa- teurs ou préparateurs des états financiers. Dans la plupart des cas, ces travaux ont consisté à dresser, pour chaque groupe dʼutilisateurs, des listes dʼattributs qualitatifs et à les administrer par questionnaires. Les attributs identifiés par la littérature sont le plus souvent liés à la composition, la qualification et lʼexpérience de lʼéquipe dʼaudit, à cer- taines caractéristiques de la firme dʼaudit, au contrôle des travaux dʼaudit et au processus dʼaudit lui-même (Mock et Samet, 1982 ; Sut- ton et Lampe, 1991 ; Carcello et al., 1992 ; Groveman, 1995 ; Sikka, Puxty, Willmott et Cooper, 1998). Cependant, ces recherches, qui ont utilisé une approche plutôt indi- recte dʼévaluation de la qualité dʼaudit, souffrent de plusieurs limites conceptuelles et empiriques. Les approches dʼévaluation fondées sur la compétence et lʼindépendance de lʼauditeur peuvent être enta- chées par les risques de complaisance avec les dirigeants et de sélection adverse (Goldman et Barlev, 1974 ; Fama et Jensen, 1983). Aussi, les indicateurs quʼelles ont identifiés sont très réduc- teurs de la complexité des travaux dʼaudit5. Ces approches indi- rectes présentent également lʼinconvénient dʼêtre focalisées princi- palement sur la qualité perçue sans pour autant chercher à détermi- ner ce qui doit être fait pour lʼaméliorer dʼune façon intrinsèque via des déterminants techniques, procéduraux ou autres. Devant les limites des travaux portant sur la qualité de lʼauditeur, une issue consiste à sʼintéresser au processus qui y mène (Carcello et al., 1992). 4. Plusieurs indicateurs de qualité ont été abordés par les auteurs tels que les res- sources humaines (Wotten, 2003), le pro- cessus de contrôle qualité du cabinet (Malone et Roberts, 1996 ; Krishnan et Schauer, 2000 ; Prat dit Hauret, 2000), l’expérience du cabinet en audit (Aldesier, 1995), l’expérience dans l’industrie (Deis et Giroux, 1992), la rotation des associés sur le dossier et la réalisation de mission de conseil (Abdel-Khalik, 1990 ; Wines, 1994). 5. La réalisation d’une mission d’audit se fait dans un environnement multi-acteurs. L’auditeur doit à la fois répondre aux besoins de son client, respecter les normes et la législation en vigueur, protéger le public sans oublier d’assurer sa rentabilité dans un marché compétitif (Briand, 1998). La pratique de la révision des comptes est désormais complexe réunissant des rela- tions sociales (entre auditeurs, avec les gestionnaires, administrateurs, etc..) et un contexte (réglementation, concurrence…). M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics 195 La qualité de lʼaudit externe : proposition dʼune grille dʼévaluation LES ETUDES BASEES SUR LʼANALYSE DU PROCESSUS DʼAUDIT Peu de recherches ont porté sur lʼévaluation de la qualité du proces- sus dʼaudit. Les premières études se sont focalisées sur la compré- hension des facteurs de contingence de lʼenvironnement dʼaudit. Pour ce faire, Gibbins et Wolf (1982) ont examiné le manuel dʼaudit dʼune firme nationale, les normes et textes dʼaudit et ont réalisé des inter- views avec des auditeurs pour générer une liste de facteurs pouvant influencer lʼenvironnement dʼaudit. Cette étude a débouché sur lʼiden- tification dʼune série de facteurs généraux qui ont un impact sur les diverses étapes du processus dʼaudit. Mock et Samet (1982) ont examiné les différentes étapes du proces- sus dʼaudit en observant spécialement les facteurs affectant la qualité dʼaudit et les différentes mesures qui peuvent leur être attribuées. Ils ont identifié une liste de 110 facteurs à partir des normes dʼaudit (SAS) et des standards de contrôle qualité des firmes dʼaudit. Cette liste a été ensuite purifiée individuellement par un petit groupe dʼauditeurs. La vérification finale est concrétisée via la distribution de questionnaires à 34 auditeurs. A lʼissue de cette étude, 32 indicateurs de la qualité dʼau- dit ont été identifiés. En utilisant deux groupes dʼauditeurs appartenant à deux cabinets internationaux, Sutton (1993), a tenté de développer et de valider, au profit des auditeurs, une série de facteurs clés permettant dʼappré- hender la qualité du processus dʼaudit ainsi quʼune série de mesures de ces facteurs de qualité. La méthode de recherche utilisée dans cette étude est fondée sur une forme spécialisée de techniques du groupe nominal pour identifier des mesures de la qualité dʼaudit dans les sociétés de services. Les résultats obtenus conduisent à lʼidentifi- cation tout au long du processus dʼaudit (réparti en 4 étapes) de 19 facteurs affectant la qualité dʼaudit correspondant à 63 mesures. Néanmoins, si lʼanalyse du processus dʼaudit a été effectuée dans une perspective dʼévaluation de la performance dʼune mission dʼaudit pour les cabinets dʼaudit, elle nʼa pas été utilisée pour le développement dʼindicateurs de qualité au profit des administrateurs membres des comités dʼaudit. Ces derniers nʼont pas la même perception de la qua- lité du processus dʼaudit que celle des auditeurs. MÉTHODOLOGIE Lʼétude a été réalisée en Tunisie auprès des auditeurs (commis- saires aux comptes tunisiens)6 et des administrateurs des entre- prises cotées à la bourse de Tunis. Les entretiens et les question- naires ont été administrés entre 2002 et 2004. Bien que les comités dʼaudit ne soient pas assez développés en Tunisie, nous avons jugé opportun de travailler sur des échantillons dʼadministrateurs de sociétés cotées7. En effet, ces derniers présentent des caractéris- tiques similaires à celles des membres des comités dʼaudit (même profil, même formation, etc.) et même avec leurs homologues inter- nationaux8. 6. Les commissaires aux comptes tuni- siens ne différent pas de leurs confrères français et internationaux en ce qui concer- ne leur formation en audit et leur connais- sance du processus d’audit. Aussi, les normes d’audit applicables en Tunisie sont principalement internationales. De ce fait, le contexte tunisien offre un cadre d’étude plus international que d’autres pays où la réglementation locale prévaut sur les normes internationales. 7. La période d’étude se situe lors de la préparation du projet loi sur la sécurité financière (cette loi a été définitivement adoptée en 2005). L’instauration des comi- tés d’audit n’était pas obligatoire. Ce qui justifie le recours à un échantillon d’admi- nistrateurs. 8. Cette ressemblance au niveau des connaissances et des profils est d’autant plus confirmée lorsque les comités d’audit à l’échelle internationale sont au début de l’exercice de leur rôle d’évaluation de la qualité de l’audit externe et n’ont pas encore atteint une maturité leur permettant de se distinguer des autres administrateurs. Afin de développer, au profit des administrateurs, un instrument de mesure fiable et valide de la qualité du processus dʼaudit, des choix méthodologiques sʼimposent. Ces choix concernent la démarche à adopter et la population objet de notre analyse. Vu la complexité et lʼin- observabilité du processus dʼaudit pour les administrateurs, il a fallu véri- fier, à travers une pré-étude auprès de ces derniers, sʼils sont à même de nous éclairer sur les déterminants de la qualité de ce processus. Dans le cas contraire, faut-il consulter en premier lieu les auditeurs pour le développement des indicateurs de la qualité dʼaudit avant de les sou- mettre aux administrateurs pour évaluation et validation ? Après avoir présenté les choix méthodologiques adoptés, nous mettrons en éviden- ce la démarche empirique de notre recherche en insistant sur les adap- tations que nous lui avons apportées, que ce soit au niveau de la démarche méthodologique ou au niveau de lʼoutil statistique déployé. LES CHOIX MÉTHODOLOGIQUES : LA DÉMARCHE DE CHURCHILL (1979) Notre proposition consiste à adopter une démarche directe dʼévalua- tion de la qualité dʼaudit axée sur le processus de lʼauditeur. La mise en œuvre sur terrain de cette approche dʼévaluation nécessite la conception dʼune démarche empirique permettant de vérifier la fiabili- té et la validité des échelles de mesure qui en découlent. Celle-ci constitue la pierre angulaire de tout processus de recherche dans la mesure où elle sert dʼinterface entre la théorie et la pratique. Elle va conditionner la fiabilité des résultats obtenus et la crédibilité des inter- prétations qui en découlent (Roerich, 1993). Une revue des recherches sur la qualité des travaux dʼaudit ne permet pas de relever des méthodologies adaptées pour le développement dʼune échelle de mesure multi-items pouvant appréhender les diffé- rentes facettes du processus dʼaudit. Ces études se sont contentées à identifier, en se basant sur la littérature ou lʼavis des experts, une liste dʼattributs de la qualité et de les valider par questionnaires (Carcello et al., 1992 ; Behn, Carcello, Hermanson et Hermanson, 1997 ; Schroe- der, Solomon et Vickrey, 1986). En étendant notre revue à dʼautres dis- ciplines voisines (notamment en marketing et en sciences sociales) et en sʼinspirant des travaux de Chemangui (2004), nous avons identifié une méthodologie qui permet la construction des échelles de mesure dʼun construit théorique. Il sʼagit de la démarche de Churchill (1979). Cette démarche sʼapplique parfaitement au processus de développe- ment des échelles multi-items. Elle pourra par conséquent sʼappliquer, moyennant certaines adaptations, à la construction dʼune échelle de mesure de la qualité du processus dʼaudit. Le choix de cette méthodo- logie se justifie par au moins trois raisons : — premièrement, cette démarche a été utilisée pour le développement dʼéchelles de mesure de processus aussi complexes que le processus dʼaudit. Elle permet de capter la complexité du concept de la qualité du processus dʼaudit en lʼexprimant par des échelles multi-items. Ces échelles permettent de refléter les différents niveaux dʼintervention de lʼaudit et leurs complexités techniques ; Riadh Manita 196 M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics — deuxièmement, cette démarche propose une méthodologie rigou- reuse en huit étapes associant simultanément des études qualitatives et quantitatives ; — troisièmement, elle intègre la consultation des experts tout au long de ses différentes étapes, ce qui permet dʼaffiner les items de mesure et par conséquent dʼaméliorer la fiabilité et la validité des échelles (Churchill, 1979 ; DeVellis, 1991). LES ADAPTATIONS DE LA DÉMARCHE DE CHURCHILL AU CONTEXTE DE LʼAUDIT Devant la difficulté dʼobservation du processus par les administra- teurs, nous avons émis, à lʼinstar de Sutton (1993), lʼhypothèse que seuls les auditeurs externes qui appliquent les travaux dʼaudit sont capables de nous éclairer quant aux déterminants de la qualité du processus dʼaudit. Cette supposition a été validée par une pré- étude que nous avons engagée auprès dʼun groupe dʼadministra- teurs. La complexité de la mesure de la qualité dʼaudit nous oblige à consul- ter les experts (auditeurs externes) afin de rendre le processus obser- vable aux administrateurs. Aussi, étant donnée que lʼinstrument de mesure est développé au profit des administrateurs, une consultation de cette population sʼavère indispensable. En effet, les administra- teurs qui constituent les utilisateurs potentiels de cet instrument nʼont pas nécessairement la même perception de la qualité dʼaudit que les auditeurs. Finalement, la consultation des deux populations (audi- teurs externes et administrateurs) sʼavère nécessaire pour atteindre notre objectif de recherche. De ce fait, des modifications9 ont été introduites à la démarche de Churchill (1979) afin quʼelle puisse sʼadapter au contexte de notre recherche et aux contraintes du ter- rain10. Ces adaptations concernent non seulement la démarche pro- posée, mais aussi lʼoutillage statistiques déployé (Roerich, 1993 ; Roussel, 1994). Nous avons ainsi choisi, de restructurer les étapes de la démarche en fusionnant certaines dʼentre elles et en reportant la deuxième consul- tation des administrateurs à la fin de la démarche pour tester la perti- nence et lʼopérationnalité de notre outil. Aussi, afin de donner une meilleure robustesse à la démarche, nous avons intégré à lʼinstar de Roussel (1996) des tests de validation dès le début du processus, dans sa phase exploratoire. Pour ce qui a trait aux affinements statis- tiques apportés, ils concernent lʼutilisation, dans la phase de validation de nos échelles de mesure, de méthodes statistiques plus robustes que celles proposées par Churchill (1979). En effet, pour tester la fia- bilité et la validité de nos échelles dans cette phase, nous avons recouru, à lʼinstar de Roussel (1996), respectivement à lʼanalyse fac- torielle confirmatoire et au calcul du Rho de Joreskog au lieu de la méthode de la matrice multi-traits, multi-méthodes (MTMM) et lʼAlpha de Cronbach proposés par Churchill (1979). Compte tenu de ces adaptations notre démarche méthodologique peut être résumée en sept étapes. La qualité de lʼaudit externe : proposition dʼune grille dʼévaluation 197 M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics 9. Cette ressemblance au niveau des connaissances et des profils est d’autant plus confirmée lorsque les comités d’audit à l’échelle internationale, sont au début de l’exercice de leur rôle d’évaluation de la qualité de l’audit externe et n’ont pas encore atteint une maturité leur permettant de se distinguer des autres administrateurs. 10. La population des administrateurs est difficilement accessible, ce qui ne permet pas d’avoir deux grands échantillons d’ad- ministrateurs, comme le préconise la démarche de Churchill (1979). Riadh Manita 198 M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics La pré-étude Nous avons mené une pré-étude auprès dʼun groupe composé de quatre administrateurs, membres dʼun comité dʼaudit et de trois com- missaires aux comptes. Un guide dʼentretien a été préparé en vue de vérifier la connaissance des administrateurs du processus dʼaudit et de susciter leur réaction quant au rôle qui peut leur être attribué pour améliorer la qualité dʼaudit. Pour les commissaires aux comptes, lʼobjectif des entretiens était dʼexplorer la thématique et de préparer le guide dʼentretien pour la deuxième étape de la recherche. Cette enquête a permis de confirmer la connaissance très limitée du pro- cessus dʼaudit par les administrateurs. Cette méconnaissance est due à lʼinobservabilité de ce processus et au contact très limité des administrateurs avec les commissaires aux comptes. Les adminis- trateurs interviewés ont indiqué que le seul contact quʼils avaient avec le commissaire aux comptes était à la fin de sa mission et lors de la préparation de la réunion du conseil dʼadministration pour lʼap- probation des états financiers, voire même à lʼoccasion de la réunion du conseil. Aussi nous avons, au moins, identifié trois étapes dans lesquelles le comité dʼaudit pourrait intervenir : avant le processus dʼaudit (le choix de lʼauditeur), pendant le processus (évaluation de la qualité de la prestation de lʼauditeur) et après le processus (notamment la veille à la mise en œuvre des recommandations de lʼauditeur). Lʼétude qualitative avec les commissaires aux comptes Lʼobjectif de cette étape est dʼune part dʼidentifier les déterminants de la qualité du processus dʼaudit et dʼautre part de préparer le question- naire pour les administrateurs. A partir de la liste des membres de lʼOrdre des experts comptables de Tunisie, qui compte environ 330 membres, nous avons contacté les commissaires aux comptes inscrits depuis au moins cinq ans sur le tableau de lʼOrdre. Nous avons obte- nu 30 rendez-vous. Parmi les interviewés, dix appartiennent à une structure internationale : cinq sont des représentants ou des salariés des Big Four et cinq font partie dʼautres réseaux internationaux. La période moyenne dʼinscription des interviewés au tableau de lʼOrdre était dʼenviron dix ans. Une fois les données recueillies à lʼaide de la méthodologie de lʼentre- tien semi-directif, nous les avons retranscrites de manière exhaustive. Puis, par interviewé, nous avons rédigé une synthèse des entretiens que nous pourrons également apparenter à un compte rendu de chaque étude de cas. Ces synthèses ont été soumises aux partici- pants afin quʼils procèdent à une contre-validation. Cette méthode per- met dʼéviter de mal interpréter les propos, tout en permettant aux par- ticipants de fournir des informations supplémentaires, si cela leur paraissait utile. Cette procédure a également permis dʼobtenir lʼautori- sation dʼenregistrer les entretiens, puisque les participants pouvaient alors en vérifier le contenu. Une analyse de contenu a ensuite été effectuée à partir des données de la retranscription. Lʼanalyse a été réalisée en deux temps. Une ana- lyse thématique entretien par entretien a été menée. Puis, une analy- se thématique verticale et horizontale de tous les entretiens (inter- entretien) a été effectuée. Celle-ci consiste à redonner à chaque entre- tien une structure thématique plus globale qui lui est propre (i.e. ana- lyse verticale) et à comparer tous les entretiens sur leurs structures thématiques globales (i.e., analyse horizontale). Ceci conduit finale- ment à ne pas considérer la cohérence singulière de chaque entretien, mais plutôt à rechercher une cohérence globale au niveau du corpus de données produit par lʼensemble des interlocuteurs. Nous recher- chons alors lʼoccurrence, le sens et la pertinence des thèmes dʼun interlocuteur à lʼautre. Les résultats de ces analyses débouchent sur une identification dʼindi- cateurs de la qualité dʼaudit par étape du processus. Sʼagissant des différentes étapes à contrôler, les commissaires aux comptes étaient très divergents et plusieurs types dʼétapes variant entre deux et six ont été identifiés correspondant à dix modalités de répartition. Les diffé- rentes modalités dʼétapes proposées ne sʼéloignent pas de la décom- position qui a été faite de ce processus par les normes internationales dʼaudit. En effet, dans les différentes modalités qui ont été proposées, nous trouvons soit une agrégation soit une décomposition de certaines étapes publiées par les normes. Finalement et après lʼanalyse, nous avons retenu pour notre questionnaire, une décomposition en six étapes du processus dʼaudit. Cette décomposition, qui nous a été dic- tée par un grand nombre dʼauditeurs (soit 43 %), devrait permettre à ces derniers de sʼy retrouver, car elle englobe presque toutes les modalités qui ont été proposées. Par ailleurs, en ce qui concerne les déterminants de la qualité dʼaudit, nous avons identifié au départ 123 items. Nous avons ensuite épuré cet échantillon des items jugés intuitivement redondants, pour aboutir à un échantillon intermédiaire de 104 déterminants de la qualité. Une confrontation des résultats trouvés avec les indicateurs de qualité déterminés par les études ayant tenté de développer des attributs mul- ticritères de la qualité dʼaudit (Carcello et al.,1992 ; Aldesier, 1995 ; Behn et al., 1997)11 et lʼétude de Sutton (1993) a été en suite opérée. Cette confrontation a permis lʼintégration de certains items non identi- fiés par la démarche exploratoire. Nous avons enfin soumis ces items à une procédure de validité de contenu auprès de trois commissaires aux comptes. Cette procédure a pour objectif de vérifier lʼabsence de redondance entre les items ainsi que leur facilité de compréhension. Concernant la redondance entre les items, les commissaires aux comptes étaient appelés à identifier les items qui désignent la même chose et qui risquent de créer des biais de compréhension. Pour ce qui est de la clarté des items, il sʼagissait pour eux de juger si leur for- mulation était bonne ou mauvaise. Après cette étape, nous sommes parvenus à un échantillon final de 75 items. Elaboration et pré-test du questionnaire pour les administrateurs Sur la base des 75 items identifiés dans la précédente étape, un ques- tionnaire a été élaboré pour les administrateurs. Ce questionnaire a fait ensuite lʼobjet dʼune validation de contenu auprès de deux com- missaires aux comptes puis dʼun pré-test avec trois administrateurs La qualité de lʼaudit externe : proposition dʼune grille dʼévaluation 199 M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics 11. Bien que n’ayant pas porté sur l’ana- lyse du processus, ces études ont identifié certains indicateurs de qualité liés au pro- cessus d’audit. pour en améliorer la rédaction et par conséquent la compréhension pour la population des administrateurs. La collecte de données auprès des administrateurs Le questionnaire a été administré aux administrateurs12 des sociétés cotées à la bourse de Tunis afin de porter leur appréciation sur lʼimpor- tance des items. Nous avons retenu, à lʼinstar de Sutton (1993), Car- cello et al. (1992), Behn et al. (1997) et Schroeder et al. (1986), une échelle de Likert à 7 points (1 étant “pas du tout important” et 7 “tout à fait important”). Ce choix se justifie aussi par notre objectif dʼaméliora- tion de la sensibilité des réponses des participants à notre enquête. Dans un premier temps, afin dʼavoir un taux de retour satisfaisant, nous avons demandé aux commissaires aux comptes des sociétés cotées, de transmettre notre questionnaire aux administrateurs de leurs entreprises clientes. Sur les 21 cabinets dʼaudit contactés, 14 ont accepté notre demande. Dans un second temps, et pour les adminis- trateurs de sociétés où les commissaires aux comptes avaient refusé de servir dʼintermédiaires, nous avons procédé nous même à lʼenvoi du questionnaire. Des procédures de relance ont été ensuite effec- tuées par téléphone. Le Tableau 1 présente le détail des adminis- trateurs ayant répondu par rapport au total des 460 administrateurs. Sur les 142 questionnaires complets reçus, 22 émanaient dʼadminis- trateurs assumant simultanément des fonctions de dirigeants au sein de la société cotée. Purification de lʼinstrument de mesure Lʼobjectif de cette étape est de purifier lʼéchelle de mesure de la qua- lité du processus dʼaudit et de tester lʼhomogénéité des échelles com- posant notre questionnaire. Elle consiste à soumettre les échelles de mesure au test de fiabilité (alpha de Cronbach) et à lʼanalyse factoriel- le exploratoire. En fonction des résultats obtenus, des items peuvent être éliminés (Cattel, 1988). Fiabilité et validité de lʼinstrument de mesure Afin dʼobtenir des échelles de mesure fiables et valides de la qualité du processus dʼaudit, les données issues de notre questionnaire ont fait lʼobjet de deux types dʼanalyse : une analyse factorielle confir- matoire et le calcul de Rho de Joreskog (Roussel, Durrieu, Campoy Riadh Manita 200 M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics 12. Ce questionnaire a été adressé à 460 administrateurs, qu’ils soient ou non membres d’un comité d’audit. En effet, en Tunisie, les comités d’audit étaient encore très peu fréquents à la date de notre enquê- te. La fonction du comité d’audit incom- bait au conseil d’administration dans son ensemble. Tableau 1. Questionnaires adressés aux administrateurs Questionnaires envoyés Nombre dʼadministrateurs Absence de réponse Questionnaire incomplet Questionnaires exploités Avec cabinet dʼaudit 354 (77,0 %) 221 (48,0 %) 2 (0,4 %) 131 (28,5 %) Sans cabinet dʼaudit 106 (23,0 %) 91 (20,0 %) 4 (0,8 %) 11 (2,4 %) Total 460 (100,0 %) 312 (68,0 %) 6 (1,2 %) 142 (30,9 %) et El Akremi, 2002). La première a pour objet de vérifier la validité des structures factorielles proposées dans la phase exploratoire et de tester (en ayant recours à la méthode des équations structurelles) la qualité dʼajustement de lʼinstrument de mesure aux données empi- riques. La seconde consiste à vérifier la fiabilité de nos échelles de mesure et leur validité statistique. Evaluation de la pertinence et de lʼopérationnalité des échelles Après avoir validé statistiquement cet instrument de mesure, il était important de vérifier sa pertinence et son opérationnalité auprès de ses utilisateurs. Dans ce cadre, devant la difficulté de construire de nouveau un échantillon important dʼadministrateurs13, nous avons réalisé une étude qualitative auprès de 10 administrateurs. Les ana- lyses qualitatives développées précédemment nous ont permis dʼune part de développer les items qui déterminent selon les administrateurs la qualité du processus dʼaudit et dʼautre part de recueillir les avis des auditeurs concernant la nature de lʼoutil nécessaire pour contrôler la mission réalisée par lʼauditeur externe. Elles nous ont permis égale- ment de tester la validité faciale de lʼinstrument de mesure et sa perti- nence pratique. RÉSULTATS FIABILITÉ ET VALIDITÉ DE LʼINSTRUMENT DE MESURE Les résultats de la phase exploratoire montrent que la qualité du pro- cessus dʼaudit est multidimensionnelle. Ils affichent des niveaux de cohérence globalement satisfaisants pour lʼensemble des échelles. Cependant, des faiblesses ont été relevées concernant certains items qui ont été éliminés. Sur la base des tests de cohérence interne et dʼhomogénéité des différentes échelles, le questionnaire dʼenquête est ramené de 75 à 51 items. Différentes échelles de mesure ont ainsi été développées pour chaque étape du processus dʼaudit. Dʼune façon générale, les différentes échelles de mesure présentent des fiabilités et des validités très satisfaisantes. Les différents items composant les échelles développées sont bien représentés puisquʼils présentent des communalités supérieures à 0,5. Ils présentent aussi de forts loadings avec leurs axes factoriels correspondants. Les valeurs propres asso- ciées à lʼensemble des dimensions identifiées expliquent plus de 50 % de la variance totale. En outre, lʼensemble des dimensions présente une fiabilité satisfaisante. Les Tableaux 2 à 7 résument les résultats de lʼanalyse exploratoire au niveau des six étapes du processus dʼau- dit identifiées. Les résultats de lʼanalyse confirmatoire, appliquée à la structure de chaque étape du processus dʼaudit (Tableau 8), viennent confirmer la validité de la structure factorielle issue de la phase exploratoire. Ils attestent un bon niveau de fiabilité et de validité des différentes échelles de mesure de la qualité du processus dʼaudit. Les items com- posant les différentes échelles de mesure sont significatifs (les ratio La qualité de lʼaudit externe : proposition dʼune grille dʼévaluation 201 M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics 13. Diverses raisons peuvent justifier la non constitution d’un second échantillon important d’administrateurs. Pour obtenir le premier échantillon d’administrateurs (142 observations soit environ le tiers de la population) nous avons effectué de longues démarches auprès des cabinets d’audit. Cette démarche est difficile à répéter. De plus, le nombre important d’énoncés au sein du questionnaire (75 items) nécessite un temps de réponse difficile à accepter par les administrateurs des sociétés cotées. Enfin, le nombre limité d’administrateurs de sociétés cotées à la Bourse de Tunis (environ 460 administrateurs pour 44 sociétés cotées), est un plafond effectif à prendre en considération. * Composantes : Orga = Qualité dʼorganisation de lʼétape ; Métho = Méthodologie centrée sur lʼappréhension des risques ; Compr = Compréhension efficace des systèmes du client ; Equipe = Composition et qualification de lʼéquipe intervenante. M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics 202 Riadh Manita Tableau 2. Etape 1 : déterminants de la qualité dʼacceptation de la mission Communalités 0,52 0,69 0,50 0,53 0,62 0,65 Vérification de ses compétences 0,72 0,83 0,69 0,57 2,08 34,58 % 0,70 Vérification de son indépendance 0,75 0,80 1,44 24,03 % 0,43 Items Rassemblement des informations préliminaires sur lʼactivité de lʼentreprise et sur son secteur dʼactivité Réalisation dʼentretien avec le personnel dʼaudit interne et examen de leurs rapport ainsi que ceux du prédécesseur Rédaction dʼune lettre de mission Réalisation par lʼauditeur dʼentretiens avec la direction et des visites des lieux avant acceptation de la mission Demande par lʼauditeur de la structure du capital, de la liste des actionnaires et des administrateurs avant acceptation de la mission Signature par lʼauditeur des engagements sur lʼhonneur liés à son indépendance Valeurs propres Variance expliquée Alpha de Cronbach Composantes Tableau 3. Etape 2 : déterminants de la qualité de planification de la mission Orga. 0,80 0,70 0,64 0,58 0,54 2,70 18,03 % 0,75 Métho. 0,75 0,74 0,62 0,61 2,41 16,08 % 0,73 Compr. 0,81 0,79 0,68 2,40 16,02 % 0,73 Equipe 0,72 0,69 1,75 11,65 % 0,45 Items Commencement de cette étape bien avant la date de clôture Respect de lʼenchaînement de la mission (ne pas entamer lʼévaluation des procédures avant dʼachever la planification de la mission) Existence dʼune planification écrite avant le démarrage de la mission Adéquation du budget temps alloué à cette étape avec les moyens mis en œuvre et avec le volume des travaux à effectuer Conformité des moyens (humains et matériels) mis en œuvre par lʼauditeur avec ce qui a été prévus lors de sa nomination Cohérence de lʼorientation de la mission avec les risques inhérents identifiés et avec les moyens à déployer (équipe intervenante, budget temps etc.) Identification et bonne estimation par lʼauditeur des risques inhérents à lʼentreprise et à son secteur dʼactivité Couverture par lʼauditeur des systèmes et des processus significatifs et sensibles Couverture par lʼauditeur de la politique comptable de lʼentreprise Couverture par lʼauditeur de lʼenvironnement de contrôle, de style de direction, des comités de pilotages et de système de production et de traitement de lʼinformation comptable Couverture par lʼauditeur du système informatique de lʼentreprise Réalisation dʼun examen analytique préliminaire Participation de lʼexpert comptable responsable de la mission dans lʼaccomplissement de cette étape Phase effectuée par des collaborateurs hautement qualifiés et expérimentés Valeurs propres Variance expliquée Alpha de Cronbach Composantes*Communalités 0,72 0,52 0,54 0,62 0,56 0,66 0,61 0,75 0,60 0,73 0,71 0,54 0,56 0,56 M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics 203 La qualité de lʼaudit externe : proposition dʼune grille dʼévaluation * Composantes : Exec = Qualité dʼexécution et de suivi de lʼétape ; Orga = Qualité dʼorganisation de lʼétape ; Attentes = Réponse aux attentes du client ; Equipe = Composition et qualification de lʼéquipe intervenante. Tableau 4. Etape 3 : déterminants de la qualité du système de contrôle interne Exec. 0,78 0,73 0,70 0,70 2,59 25,86 % 0,81 Orga. 0,90 0,71 1,80 18,04 % 0,75 Attentes 0,87 0,70 1,71 17,14 % 0,65 Equipe 0,88 0,74 1,44 14,36 % 0,56 Items Bonne réalisation des tests prévus dans la note dʼorientation ou de planification de la mission Couverture du système informatique de lʼentreprise par des spécialistes Couverture des systèmes et processus significatifs Existence au sein du cabinet dʼaudit dʼune revue de dossier par le manager et /ou lʼassocié responsable de la mission Existence dʼun manuel dʼaudit propre au cabinet et adaptation des programmes dʼaudit avec les spécificités de lʼentreprise Adéquation du budget temps et de lʼéquipe intervenante avec la nature et le volume des travaux Achèvement de cette étape avant la date de clôture Réponse aux attentes du client Existence parmi lʼéquipe intervenante de spécialistes en informatique ou autres Qualification et expérience de lʼéquipe intervenante, notamment dans le secteur Valeurs propres Variance expliquée Alpha de Cronbach Composantes*Communalités 0,79 0,64 0,70 0,69 0,83 0,80 0,84 0,72 0,82 0,72 Tableau 5. Etape 4 : déterminants de la qualité de lʼopération dʼinventaire physique Composante Qualité dʼinventaire physique 0,86 0,85 0,83 0,60 2,51 62,98 % 0,80 Items Revue par lʼauditeur des instructions dʼinventaire avant le déroulement de lʼopération Assistance de lʼauditeur au déroulement de lʼopération dʼinventaire physique Couverture des éléments significatifs à inventorier et de leur répartition géographique Couverture des engagements hors bilan Valeurs propres Variance expliquée Alpha de Cronbach Communalités 0,68 0,79 0,80 0,36 critiques sont tous supérieurs à 1,96). Les valeurs des indices abso- lus, incrémentaux et de parcimonie sont globalement satisfaisantes et/ou acceptables. Le test du Chi-2 est dans lʼensemble significatif. Les indices absolus GFI et AGFI sont également significatifs puisquʼils dépassent leurs seuils respectifs. Par ailleurs, les indices incrémen- taux, bien que parfois légèrement inférieurs à leurs seuils respectifs, peuvent être considérés comme acceptables, étant donné, le nombre des items relativement faible dans certaines étapes du processus. Dʼautre part, les différentes échelles développées présentent des fia- bilités très satisfaisantes étant donné que les Rho de Joreskog varient entre 0,75 et 0,98. * Composantes : Indépendance = Indépendance de lʼauditeur ; Diligence = Respect des diligences de fin de mission Riadh Manita 204 M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics * Composantes : Progr = Qualité des programmes dʼaudit ; Dilige = Respect des diligences dʼaudit ; Equipe = Composition et qua- lification de lʼéquipe intervenante ; Attentes = Réponse aux attentes du client Tableau 6. Etape 5 : déterminants de la qualité de contrôle des comptes Progr. 0,84 0,81 0,80 0,69 3,02 23,25 % 0,84 Dilige. 0,80 0,79 0,73 0,73 2,81 21,65 % 0,81 Equipe 0,86 0,76 0,73 2,01 15,47 % 0,71 Attentes 0,90 0,57 1,42 10,95 % 0,57 Items Cohérence et vraisemblance du plan dʼaudit avec les risques inhérents et de non contrôle identifiés Adaptation des programmes dʼaudit aux spécificités de lʼentreprise Qualité des conclusions par référence à la stratégie dʼaudit adoptée (a-t-il bien estimé les zones à risque et domaines significatifs ?) Couverture par les programmes dʼaudit des événements et opérations exceptionnelles et non récurrentes Réalisation dʼun examen analytique Couverture par les programmes dʼaudit de la circularisation des tiers et sa réalisation par lʼauditeur Couverture par les programmes dʼaudit de la continuité dʼexploitation de lʼentreprise Bonne mise à jour du plan ou de la stratégie dʼaudit compte tenu des résultats des tests effectués Qualification et expérience de lʼéquipe intervenante notamment dans le secteur Existence parmi lʼéquipe intervenante de spécialistes en informatique ou autres Stabilité de lʼéquipe intervenante Bonne utilisation de lʼoutil informatique et des méthodes statistiques dans les opérations de contrôles Couverture par les programmes dʼaudit des aspects juridique, social et fiscal liés à lʼactivité de lʼentreprise Valeurs propres Variance expliquée Alpha de Cronbach Composantes*Communalités 0,78 0,73 0,71 0,68 0,69 0,79 0,67 0,62 0,76 0,70 0,60 0,85 0,71 Tableau 7. Etape 6 : déterminants de la qualité dʼachèvement de la mission Indépendance 0,84 0,80 1,40 34,99 % 0,55 Diligence 0,85 0,76 1,32 33,04 % 0,48 Items Qualité des conclusions et des rapports dʼaudit et indépendance de lʼauditeur Demande à la direction générale de signer une lettre dʼaffirmation Couverture par les programmes dʼaudit des événements postérieurs à la clôture Audit des transactions avec les parties liées et rédaction dʼune note de synthèse Valeurs propres Variance expliquée Alpha de Cronbach Communalités 0,71 0,67 0,72 0,63 Composantes* La qualité de lʼaudit externe : proposition dʼune grille dʼévaluation 205 M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics * GFI = Goodnes-of-fit ; AGFI = Adjusted Goodnes-of-fit ; RMR = Root Mean Residual ; RMSEA = Root Mean Square Error of Approximation ; NFI = Normed Fit Index ; TLI = Tucker-Lewis Index ; CFI = Comparative Fit Index ; PNFI = Parsimony Normed Fit Index. Tableau 8. Test des dimensions de la qualité de lʼétape dʼacceptation de la mission Etape 1 36,86 0,93 0,85 0,29 0,14 0,74 0,79 0,79 3,69 0,60 0,86 Etape 2 113,83 0,90 0,83 0,10 0,08 — 0,87 — 1,87 0,56 0,98 Etape 3 55,57 0,92 0,84 0,11 0,09 0,90 0,91 0,94 2,06 0,54 0,91 Etape 4 3,72 0,99 0,87 0,04 0,14 0,98 0,92 0,99 3,72 0,16 0,90 Etape 5 102,67 0,90 0,83 0,11 0,08 0,88 0,90 0,93 1,97 0,59 0,75 Etape 6 — 0,25 1,00 0,99 0,01 0,99 — — 0,25 0,17 0,89 Indices de mesure Absolus normé GFI* AGFI RMR RMSEA Incrémentaux NFI TLI CFI Parcimonie normé PNFI Fiabilité Rho de Joreskog Seuils indicatifs Chi-2 le plus petit associé à une probabilité non significative > 0,90 > 0,80 Le plus faible possible < 0,08 > 0,90 > 0,90 > 0,90 Entre 1 et 5 Le plus fort possible (> 0,60) > 0,70 ou > 0,80 EVALUATION DE LA PERTINENCE ET DE LA COHÉRENCE DE LʼINSTRUMENT DE MESURE Les résultats de lʼenquête réalisée avec les dix administrateurs ont confirmé la validité de la totalité des items composant nos échelles à lʼexception de deux énoncés se rapportant à deux étapes du proces- sus (étapes dʼacceptation de la mission et de planification). Il sʼagit respectivement des items “Rédaction dʼune lettre de mission” et “Cou- verture par lʼauditeur de lʼenvironnement de contrôle, de style de direction, des comités de pilotages et de système de production et de traitement de lʼinformation comptable”. Le premier item nʼa pas été jugé pertinent par la majorité des administrateurs (60 %) ; le second a été perçu comme un indicateur très général et difficile à mettre en œuvre. Dʼune façon générale, les administrateurs, trouvent que la grille déve- loppée est pertinente et très utile. Elle leur permettrait de mieux obser- ver les travaux accomplis par lʼauditeur. Cependant, ils sʼinterrogent sur les modalités de mise en œuvre de cet outil et de communication avec lʼauditeur externe, sur la nature de lʼoutil à développer à partir de cette grille dʼévaluation, mais aussi sur le profil des administrateurs membre du comité dʼaudit. Cette grille dʼévaluation fixe pour eux les objectifs globaux de contrôle qui restent à affiner et à développer en fonction des spécificités de lʼentreprise et des risques associés à son activité et à son système dʼinformation. A cet effet, les administrateurs étaient favorables à une évaluation sʼappuyant à la fois sur des comptes rendus dʼavancement établis à leur égard par lʼauditeur, mais aussi sur la base de réunions program- mées avec lui au fur et à mesure de son avancement dans la mission. En ce qui concerne la nature de lʼoutil à développer, les administra- teurs interrogés ont exprimé leur préférence pour un outil sous forme Riadh Manita 206 M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics de checklist ou questionnaire de contrôle qualité, qui soit adapté aux spécificités de lʼentreprise et conçu par étape du processus. Un des administrateurs avait précisé « nous devons considérer cette grille comme un questionnaire de contrôle qualité à affiner et à détailler en fonction de la nature dʼactivité de lʼentreprise, de son système dʼinfor- mation, de ses spécificités ». Finalement, les administrateurs étaient perplexes quant au profil que doivent avoir les administrateurs pour assurer cette tâche dʼévaluation des travaux dʼaudit. Certains estiment que les membres doivent avoir le profil dʼun expert comptable ou dʼun auditeur. Dʼautres estiment quʼil faut faire une formation aux administrateurs, alors que dʼautres sug- gèrent même lʼintégration dʼenseignants au sein des comités dʼaudit. Cependant tous les administrateurs interviewés étaient dʼaccord que le profil des administrateurs est une question fondamentale à laquelle il faut absolument trouver une solution, même si le comité dʼaudit est doté dʼun outil dʼévaluation. CONCLUSION ET DISCUSSION A partir dʼun processus rigoureux dʼidentification des principaux items représentatifs de la qualité du processus dʼaudit par les commissaires aux comptes, et de leur validation par deux échantillons dʼadministra- teurs, nous avons mis en évidence 49 items regroupés en six étapes principales. Suite à plusieurs analyses factorielles (exploratoire et confirmatoire), ces indicateurs ont été résumés en 17 dimensions de qualité. Une analyse globale des résultats obtenus, nous a permis dʼidentifier 11 déterminants14 de la qualité du processus dʼaudit. Parmi les déterminants identifiés, 6 seulement concernent le processus tech- nique dʼaudit. Il sʼagit de la compréhension efficace des systèmes du client, la méthodologie centrée sur lʼappréhension des risques, la qua- lité dʼexécution et de suivi de la mission, la qualité dʼinventaire phy- sique, la qualité des programmes dʼaudit et le respect des diligences dʼaudit. Les 5 autres déterminants se rapportent à la compétence et à lʼindépendance de lʼauditeur, à la composition et la qualification de lʼéquipe intervenante, à la qualité dʼorganisation de la mission et à la réponse aux attentes du client. Ces déterminants constituent la base dʼune évaluation de la qualité du processus dʼaudit par les administrateurs. Ils montrent très clairement que le processus dʼaudit est un processus complexe qui nécessite dʼêtre appréhendé à travers de nombreuses dimensions. Ils montrent également que la qualité du processus dʼaudit nʼest pas tributaire seu- lement des déterminants techniques liés au processus de lʼauditeur, mais aussi de la qualité de lʼauditeur (compétence et indépendance de lʼauditeur), des caractéristiques organisationnelles du cabinet dʼaudit (équipe dʼaudit et organisation de la mission) et de la réponse aux attentes du client. En plus des indicateurs issus des approches indi- recte dʼévaluation qui sont en partie confirmés par les résultats de notre étude, cette recherche a permis dʼidentifier dʼautres indicateurs centrés sur le processus technique de lʼauditeur. Les résultats obtenus 14. Ces onze déterminants sont dégagés après élimination des dimensions qui se répètent dans plus d’une étape du proces- sus. ont confirmé en grande partie les indicateurs de qualité identifiés par Sutton (1993)15 et ont contribué à lʼidentification de plusieurs autres indicateurs de qualité qui sont plus orientés vers les techniques et les diligences dʼaudit. Notre recherche ne sʼest pas contentée dʼidentifier les indicateurs de qualité, mais elle a tenté aussi de fournir des grilles dʼévaluation (exprimées notamment en terme dʼobjectifs de contrôle), permettant de les observer et de les évaluer. Lʼévaluation de la qualité du processus dʼaudit est une tâche complexe et difficile pour les administrateurs. La grille dʼévaluation développée par notre recherche devrait faciliter considérablement cette tâche et renforcer leur implication dans le processus dʼaudit. Cependant, cette grille ne dispense pas les administrateurs dʼavoir les compétences requises pour appréhender le processus dʼaudit. La compétence des administrateurs soulève le problème du processus de sélection et de nomination des administrateurs. Les comités dʼaudit dʼentreprises cotées américaines incluent généralement des administrateurs sélec- tionnés, non pas en fonction de leur réseau relationnel, mais en fonc- tion de leurs compétences dans les domaines comptables ou finan- ciers. Aussi, cette grille devrait être complétée par lʼintégration au sein des comités dʼaudit ou tout conseil dʼadministration soucieux quant à la qualité dʼaudit, dʼadministrateurs indépendants. Contrairement à ce qui est laissé entendre par les dirigeants dʼentreprise, il existe de tels professionnels indépendants sur le marché. Il peut sʼagir dʼanciens auditeurs de haut niveau reconvertis dans les fonctions de conseil, de banquiers dʼaffaires ayant été confrontés aux méthodologies dʼévalua- tion des risques ou dʼuniversitaires spécialisés dans le domaine. Lʼin- dépendance de ces administrateurs ne peut être préservée quʼen inci- tant les entreprises à se doter de chartes de gouvernance ou en ayant recours à la réglementation (aux USA, la loi Sarbanes Oxley impose cette indépendance). Au-delà des résultats dégagés, notre étude a montré la possibilité de construire une métrique de la qualité fondée sur le processus dʼaudit. Notre approche se distingue des approches classiques dʼévaluation par le fait quʼelle ne cherche pas des substituts de la qualité dʼaudit par la qualité de lʼauditeur, mais tente plutôt une appréciation directe de cette qualité axée sur le processus technique de lʼauditeur. Dʼailleurs, la complexité technique de lʼévaluation de la qualité dʼaudit via son processus a toujours représenté un handicap majeur pour les chercheurs qui, jusquʼalors, considèrent le processus dʼaudit comme une boîte noire complexe et inobservable. Notre méthodologie, qui sʼest inspirée de la démarche de Churchill, permet de capter la com- plexité du concept de la qualité en lʼexprimant par des échelles multi- items. Il sʼagit dʼune nouveauté dans les recherches à base quantita- tive dans ce domaine puisquʼil sʼagit de la seule recherche, avec lʼétu- de de Chemangui (2004), ayant mis en œuvre cette démarche jus- quʼà présent. Ce travail nʼest évidemment pas exempt de limites. Signalons tout dʼabord que, pour tester la pertinence pratique et lʼopérationnalité de notre outil (validité faciale), nous avons réalisé une étude qualitative auprès dʼun groupe composé de 10 administrateurs. Outre la limite liée La qualité de lʼaudit externe : proposition dʼune grille dʼévaluation 207 M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics 15. A l’exception de ceux orientés vers une évaluation par les auditeurs, ne pou- vant pas être observés par les administra- teurs. Il s’agit en l’occurrence des indica- teurs liés à l’environnement d’audit et/ou à l’entreprise cliente tels que la compétence du client, les changements chez le client, les rapports du client, l’achèvement du papier du travail, la préparation du client… Riadh Manita 208 M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics à la taille de notre échantillon qui pourrait atténuer la validité de notre outil, cette méthode sʼest basée sur la perception de lʼutilité pratique de notre outil par ses utilisateurs potentiels et non pas sur une mesu- re effective de sa pertinence pratique. Celle-ci pourrait être effectuée au moyen dʼune étude clinique réalisée au sein des entreprises et éva- luant la qualité des travaux dʼaudit pendant même le déroulement de la mission par lʼauditeur externe. Signalons aussi quʼétant donné les contraintes dʼéchantillonnage liés à la constitution de deux échan- tillons importants dʼadministrateurs, et notamment le nombre important dʼitems composant notre instrument de mesure, les validités discrimi- nante et convergente de nos échelles nʼont pas pu être testées pour lʼensemble du processus dʼaudit, mais ont été plutôt vérifiées pour chacune de ses étapes. Signalons enfin quʼen dépit de la rigueur méthodologique de notre démarche, les résultats de cette étude ne peuvent se prévaloir dʼune validité nomologique. En effet, lʼévaluation de la qualité dʼaudit axée sur le processus de lʼauditeur demeure un domaine de recherche peu exploité par les chercheurs, ce qui ne nous a pas permis de confronter nos résultats empiriques. Devant cette situation, une nouvelle vérification de la fiabilité et surtout de la validi- té des échelles, est nécessaire avant dʼintégrer nos échelles de mesu- re dans des modèles explicatifs développés. Cette nouvelle vérifica- tion apparaît aussi indispensable, surtout lorsquʼon trouve que certains items composant nos échelles de mesure ont un caractère général. Des efforts dʼapprofondissement et dʼaffinement de mesure de ces items doivent, de ce fait, accompagner cette vérification. Note. Cet article a été écrit quand lʼauteur travaillait à l’Ecole des dirigeants et créateurs d’entreprise (EDC Paris). Il tient à remercier le professeur Benoît Pigé pour ses précieux conseils tout au long de la thèse. Il remercie, également, les évaluateurs anonymes pour la richesse de leurs remarques et commentaires qui ont permis dʼaméliorer de façon sub- stantielle la qualité de cet article. Riadh Manita est docteur en sciences de gestion qualifié CNU et expert comptable ayant plusieurs années dʼexpérience dans les cabinets dʼaudit et de conseil. Il est actuellement professeur associé en comptabilité-audit au groupe ESC Rouen. Il est coauteur d'un ouvrage portant sur la comptabilité et l'audit pour l'épreuve 4 du DSCG. Ses travaux de recherche portent principalement sur la qualité de l’audit externe et sur le lien entre la gouvernance d’entreprise et la qualité de l'audit. M@n@gement, Vol. 11, No. 2, 2008, 191-210 Special Issue: Corporate Governance and Ethics 209 La qualité de lʼaudit externe : proposition dʼune grille dʼévaluation REFERENCES � Abdel-Khalik, A. R. 1990 The Jointness of Audit Fees and Demand for MAS a Self-Selection Analysis, Contemporary Accounting Research, 6: 2(part 1), 295-322. � Aldesier, G. R., III, J. R. Miller, et J. F. Moraglio 1995 Common Attributes of Quality Audits, Journal of Accountancy, 179: 1, 61-68. � Behn, B. K., J. V. Carcello, D. R. 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